Ayacucho-Lima : Du sentier Lumineux à la Panaméricaine


Ayacucho, deux étoiles au Routard, nous dit Vianney. Vianney, c’est un grimpeur hors pair du quatuor infernal qui nous accompagne depuis notre sortie de La Paz. C’est aussi le type qui à tout moment, au détour de n’importe quel lacet,  peut te sortir presque de mémoire les tirades magiques du petit guide et agrémenter nos journées d’intermèdes culturels bien placés. Comme 2 étoiles c’est pas rien d’après notre expert, nous partons essuyer notre sueur dans les étages d’une petite auberge de cette jolie ville. Ayacucho est une réplique miniature de Cuzco, une ville typiquement coloniale avec ses places fleuries, ses murs blancs et ses balcons de bois, et sa célèbre statue du Général Sucre, l’homme de l’indépendance. C’est aussi l’ancien QG du mouvement terroriste communiste « le Sentier Lumineux » qui engagea une guerre civile dès les années 80 contre les forces au pouvoir qui fit plusieurs dizaines de milliers de morts, notamment dans ces hostiles montagnes de la région de l’Apurimac, que nous venons de traverser.
Nous profitons d’une journée de repos dans cette vallée à 2700 mètres avant de rejoindre la côte pacifique et la capitale Lima. Il nous faut recouvrir nos forces car la suite n’est encore une fois que bien peu reposante. Alors autant dire que nous mettons toutes les chances de notre coté en improvisant un superbe petit déjeuner au soleil suivi de longues siestes et promenades  sur la Plaza de Armas. Cette recette du repos réussie, nous commençons à la connaître par cœur, point par point, afin de repartir le sourire aux lèvres affronter les derniers cols.  Et cette fois, nous avons un maillot jaune dans l’équipe, un vrai ! Vincent a fait l’acquisition d’un faux maillot de foot du Brésil arborant fièrement le nom de Neymar. Le bonhomme compte bien en impressionner plus d’un dans les premiers 25 km de côte qui nous mènent sous le soleil à 4000 mètres au pied d’un bosquet d’eucalyptus. Finalement notre Alberto Contador préfère vite lâcher le groupe des excités en tête et rejoindre la voiture balai, à savoir le petit groupe composé de Ted Vianney et Côme qui parasitent le porteur des petites enceintes portables, Alexis. On tente de monter en rythme, gare à celui qui ira plus vite que la musique !

Notre maillot jaune en plein effort

Ca redescend dans la vallée, ça remonte tranquillement, puis retentissent les premières notes de la chanson 74-75 (The Connels), fin d’une courte mais fatigante étape qui comptabilise presque autant de kilomètres. A midi nous avons pris un moment pour nous arrêter manger une truite dans une échoppe attenante à une petite pisciculture. Le repas, frugal et sans grand intérêt restera sans doute un souvenir bien vague dans nos mémoires. Nous retiendrons en revanche l’énorme truite maladroitement empaillée à l’entrée de la cabane, dégageant une terrible odeur de renfermé et donnant aux lieux une froideur bien inhospitalière.

hum coucou toi! 

  C’est à Ninobamba que nous atterrissons alors qu’un gros orage éclate. Les derniers reçoivent des kilos de grêle et de pluie grasse sur les épaules alors qu’ils s’imaginent déjà noyés dans leur profond sac de couchage. Au moment où la déferlante se fait la plus forte, un petit groupe s’apprête à déclencher une avalanche d’insultes à l’encontre de ce pays, ce climat qui nous pose sans arrêt ses pièges au moment où nous les attendons le moins. C’est alors qu’Alex coupe court à nos élans de rage par cette phrase foudroyante, une suite de mots si puissante qu’en une seconde elle change le cours d’une journée :
-Les gars, à 20 mètres il y a des eaux thermales !
C’est ainsi que cette longue journée se termine à refaire le match les jambes au chaud dans une eau fumante. La côte Pacifique se rapproche, il nous reste un ultime col à franchir, le plus haut, le plus beau, avant de redescendre pour de bon et quitter à jamais ces montagnes qui nous épuisent. C’est le dernier alors nous grimpons avec le sourire, en douceur, afin d’en apprécier chaque lacet, chaque courbe. Le compteur de Ted passe un moment la barre des 4807 mètres,  nous nous sentons au dessus de tout, portés par l’envie d’en découdre.  Au sommet les bords de la route sont par endroits couverts de neige. La végétation a disparue, les sommets autour de nous sont nus, le paysage est minéral. Même si le mal de l’altitude nous a quitté depuis quelques temps, nous retrouvons un petit mal de crâne désagréable. 



El Ultimo ! 

Puis la route redescend quelques temps avant de remonter, cette fois pour la dernière fois jusqu’au village de San Felipe a 4600 mètres, sans doute l’un des villages les plus élevés des Andes. L’épicier du village trouve un moyen de nous ouvrir une salle municipale pour passer la nuit. Puis nous sommes invités à disputer un match de foot contre une bande de Ronaldos du dimanche sur un terrain construit au bord du vide. C’est extrêmement pratique, lorsque la balle sort du terrain, il faut se faire deux jours d’ascension pour récupérer le ballon. Logique ! Cette fois ci c’est moins difficile, malgré l’altitude qui nous essouffle au moindre mouvement nous réussissons à arracher une victoire. Il faut dire qu’en face on a affaire à des rigolos. Des gars comme Manuel qui jouent au foot avec des fausses santiagues et un sac à dos sur les épaules. Avec des pompes pointues comme ça, il ne faut pas s’étonner que chaque frappe termine au fond de la vallée. Chez nous seuls 4 joueurs ont répondu à l’appel du ballon rond (Quentin, Alex, Vincent et Côme). Alors ils nous proposent les services de Lucio. Lucio, c’est le cuisinier du village. Autant vous dire qu’il est plus habile avec des marmites qu’avec une balle au pied. Mais on l’aime bien Lucio, il passe son temps à se marrer. Par contre quand il s’agit de revenir en défense, il n’y a plus personne ! Un moment la balle tombe dans les toilettes. Dans les TOILETTES ? Oui, encore une fois en toute logique ils ont construit un petit abri en taule avec un petit siège au dessus d’un grand trou dans la terre, et ce juste sur la touche ! Du coup la balle finit dans le trou.
-          Agua, no mas ! disent-ils ( « ce n’est que de l’eau »)
Tu parles, la balle empeste une terrible odeur mais notre équipe adverse continue de faire des têtes, contrôles de la poitrine, en toute sérénité.  Lucio nous le retrouvons le soir dans sa cuisine glaciale où il nous apporte une belle souplette et nous passe un film sur le carnaval de la région. La nuit est froide, nous avons peine à trouver un sommeil profond, sauf Côme, encore une fois, il faut pas le prier celui-là pour dormir.


Juste avant la descente de la mort

A san Felipe, "venez comme vous êtes"


Peu importe, l’étape du lendemain sera la plus belle. L’ultime descente de la Cordillère des Andes, le retour sur le plancher des vaches. Cela fait plus de 2 mois que nous sommes en altitude. Cette fois-ci nous ne pourrons pas descendre plus bas, arrêtés par le Pacifique. Nous entamons cette journée sur un altiplano pendant 30 km sous un ciel étrangement bleu, comme si les Andes voulaient se faire pardonner et nous tirer leur chapeau de nuages avant que nous les quittions. Quelques vigognes font leur apparition. Nous ne les avions pas vues depuis l’entrée au Pérou. Tout est là, il n’y a plus qu’à descendre. Au kilomètre 150, la route dépasse une dernière crête puis s’enfonce enfin dans une profonde vallée. Imaginez cette petite descente que vous prenez parfois à vélo, celle qui part du centre-ville et qui vous amène chez vous 100 mètres plus loin. Elle est toujours sympa cette petite pente, elle vous procure de bonnes sensations. Imaginez maintenant la même descente, 1500 fois plus longue, dans un paysage 1500 fois plus majestueux. C’est parti pour 150 km de descente jusqu’à l’océan !


Les vigognes, les lamas sauvages des Andes

 Le rêve de n’importe quel cycliste, la récompense suprême à ces mois d’efforts. Nous sommes euphoriques, incapables de retenir les sourires béats qui déchirent nos lèvres gercées à chaque virage. Notre MP3 est branché sur nos chansons préférées ou sur nos podcasts historiques d’Europe 1. Franck Ferrand nous raconte Napoléon faisant machine arrière dans les froides plaines de Russie alors que nous partons tête baissée à la conquête de la douceur océane. La première moitié de la descente est une drogue, nous en redemandons, nous pourrions y passer une vie. Puis la pente se fait plus douce et un vent de face puissant nous ralentit considérablement. La frustration est grande mais nous parvenons tout de même sans trop d’effort à boucler une étape de 190 km. Nous terminons au coucher du soleil, trouvant logis à l’étage d’une polleria de San Clemente (un vendeur de poulet frite !). Sur la fin de l’étape nous découvrons notre nouveau territoire. Des champs de coton, des vignes, des bananiers et des gens en t-shirt qui jouent sur les bords de route à la tombée de la nuit. Par moment cette lumière rose orange, cette animation sur la route nous rappelle des arrivées Mozambicaines. Nous partons rapidement au marché draguer les vendeuses de salchipapas (saucisses frites) pour qu’elles nous servent des portions copieuses puis nous retrouvons nos copains les moustiques et nous endormons au son de leur bourdonnement. C’est fou ce qu’ils ne nous avaient pas manqué !

Teddy Ted, l'Audi TT. Dernier visu des courbes avant la descente

Deux jours et demi nous séparent de Lima, notre étape finale, mais un dernier obstacle se dresse devant nous : La Panamericaine. La Panam’ dirons-nous. La Panam c’est cette route mythique qui traverse toute l’Amérique pour relier  Santiago de Chile à San Francisco. C’est aussi et surtout une route dangereuse et drôlement encombrée, pratiquement une autoroute. C’est le seul moyen d’entrer dans Lima. Mais c’est 230 km sur la bande d’arrêt d’urgence, les yeux rivés sur notre rétroviseur. Que nos mamans se rassurent, nous prenons toutes les précautions pour que rien ne nous arrive. Nous roulons beaucoup en file indienne et restons bien vigilants à chaque fois qu’un gros camion nous double à toute vitesse. Nous traversons une région complètement déserte. La route est entourée de hautes dunes de sables bordant l’océan Pacifique. Pas un brin d’herbe ne pousse sous cette chaleur et dans ce sable. Nous nous arrêtons sur une plage pour gouter à cet océan qui à l’horizon nous laisse deviner notre prochaine étape Asiatique. De grosse vagues éclatent sur le sable, des pélicans au long bec se gavent dans les bancs de poissons, cette fois c’est sûr, nous somme biens redescendus. Même l’altimètre n’arrive pas à le réaliser.

Oui on est toujours au Pérou


Nous passons une première nuit dans la caserne de pompiers de Saint Vincent des Canettes (San Vicente de los Canetes en réalité, traduit en Français parce que ça sonne bien bords de mer) avant de reprendre la super panam’ sous un soleil de plomb qui nous fait transpirer du sel. Nous roulons 100 km assez monotones, obligés de rouler en file indienne, sans un mot. Il est temps d’arriver. Nous choisissons pour passer notre dernière nuit le village de San Bartolo au bord de l’océan ou le gardien du collège nous ouvre une salle de classe. Nous assistons à un tournoi de foot régional sur le terrain municipal. Tout le village est réuni pour l’événement, et mine de rien ça joue drôlement bien. Rien à voir avec notre Lucio des familles. Les matchs sont d’une intensité remarquable. Ça s’échauffe, le ton monte. Une main sort de la masse. L’arbitre a rendu son verdict : carton rouge pour l’assassin qui a découpé littéralement le joueur sur lequel nous avions placé toutes nos billes. Mais l’animal ne veut pas sortir, il faut faire rentrer les vigiles pour qu’il quitte le terrain.
Le grand jour arrive. C’est pas la joie pour tout le monde, Quent et Alexis ont été malades toute la nuit. Nous ça va. Nous sommes prêts à entrer en ville par la voie la plus encombrée d’Amérique du Sud, derrière les pots d’échappement des camions. Ca klaxonne dans tous les sens. Nous essayons de nous faire tout petits, pas trop non plus, ils faut être vus. Nous arrivons à l’heure du déjeuner dans le parc Kennedy du quartier de Miraflores. A l’ombre des palmiers nous savourons de le retour bien attendus du Mcdonnald.

Un chauffard sur la Panam'


LOL

-          Messieurs, il est interdit de vous avachir comme des clochards avec un Mcdo  sur les pelouses du parc. Et veuillez retirer vos vélos aussi. Nous disent deux jeunes gardiennes.
-          Mesdemoiselles soyez gentilles, nous venons de très loin J ; Et nos vélos n’ont plus de béquilles !

Quelques sourires bien placés, nous séduisons nos petites gendarmettes et tout se termine bien. Ah l’autorité péruvienne ! Vincent prétend même les avoir vues nous adresser quelques clins d’œil en repassant devant nous.. Entre temps nous avons fait une rencontre bien improbable. Une française d’à peu près notre âge s’approche de Vincent.
-          Vous êtes de la Grande Echappée ??
-          Euh, oui pourquoi ?
-          Je suis votre plus grande fan ! Vous ne me connaissez sans doute pas, je suis tombée sur votre blog par hasard, depuis je suis chaque post avec attention ! Comment va Côme depuis sa malaria ?
Sacrée Mélanie ! Elle nous aura bien fait rire.
Un Mcdo plus tard donc, nous descendons l’avenue Larco et nous dirigeons vers le Malecon, le front de mer où nous attendent Florence et Alizée, les deux anciennes colloc de Côme à Paris qui sont ici pour 6 mois dans une ONG . L’accueil est digne d’une arrivée d’étape de Tour de France. Nos deux belles blondinettes nous sautent au cou et nous couvrent de colliers de fleurs et de chapeaux à paillettes. 

Quatre cyclodos à Miraflores

Qui aurait pu rêver meilleur accueil?


Nous dégustons leur gâteau au chocolat sur la pelouse et les suivons jusqu’à la calle Esperanza et leur appartement ou nous découvrons Pepe, Freddy, Navarro et Nela, les collocs des filles. L’appartement se transforme vite en camp de réfugiés, nous nous entassons à 7 dans une chambre vide. La laverie tourne à plein régime, le fond de la douche se couvre de tout un tas de choses mystérieuses, l’oxygène se fait rare. Nous avons du mal à nous faire transparents. Les filles nous font découvrir la vie nocturne de Lima, les différents quartiers et les petits recoins de Miraflores. Nous prévoyons une session surf au pied de buildings de la capitale et le weekend nous partons dans le désert avec les collocs et une bande d’étudiants dans une Oasis au cœur du désert. Quelques palmiers, un petit lac d’eau douce, notre auberge, une piscine. C’est décidément bien les vacances. Un gros buggy bien américain nous emène à 100 à l’heure dans les dunes où nous nous essayons au Sandboard. Pas facile lorsque les types nous filent en guise de planche des bâtons d’esquimo à grande échelle. Nous finissons surtout avec du sable plein le slip !

Dans les dunes de Huacachina

Et bim,sans tire-fesses !

Nous aussi on s'est bien marré quand elle a fini la trogne dans le sable

 Puis le soir venu, c’est samedi soir alors c’est fiesta dans une boite au milieu de l’oasis. La transition avec notre vie dans les petits villages des Andes est assez brutale. Si brutale que Ted ne voit pas l’intérêt de mettre des chaussures pour sortir en boite. Côme, lui, semble aimer tellement le Coca qu’il se réveille le lendemain tout étourdi avec une seule chaussure à son pied.. « La flemme d’enlever l’autre » ,dira-t-il..
La fin d’un chapitre approche. Un autre ne va pas tarder à s’ouvrir. Nous démarchons les magasins de vélo pour dégoter des cartons pour les embarquer dans l’avion. La prochaine fois que nous ferons du vélo sera sur le sol vietnamien ! D’ici là nous devrons endurer 3 jours d’avion entre Lima, Miami, New York, Vancouver, Hong Kong… et enfin Ho Chi Minh ! Un voyage interminable duquel nous espérons que nos montures sortirons vivantes, nous aussi tant qu’à faire, on sait ne sait pas où terminent les avions qui survolent l’Asie du Sud Est en ce moment…
A Ho Chi Minh, nous auront la visite des parents et de la petite soeurette de Côme ainsi que de la bienaimée d’Alex. La tête dans les rizières, nous rêvons déjà des pistes oranges, des soupes de nouilles de nos hôtes aux chapeaux pointus et du retour à trois dans des lieux qui sonnent déja comme des victoires d’étape..Angkor, Siem Reap, Phnom Penh, les 4000 îles, Bangkok…

Prochain post à la reprise du vélo dans un peu plus de 15 jours. D’ici là nous posterons dans l’onglet VIDEOS un nouveau montage sur nos aventures en Bolivie et au Pérou ! 



De Cuzco à Ayacucho : les montagnes russes sous la pluie…


     Nous entamons donc notre séjour à Cusco avec un dimanche après-midi de repos bien mérité. Bons cyclotouristes que nous sommes, nous connaissons à l’avance, avant même d’arriver dans les villes, le repère des radins. A Cusco, il s’agit d’une auberge très bon marché en plein cœur du centre historique. On y croise des cyclotouristes saltimbanques qui trimbalent 90 kilos de marionnettes pour faire des spectacles dans les villages et financer leur voyage, des bretonnes un peu fauchées ou encore des chiliens, bien décidés à grimper au sommet du Machu Picchu avec leur vélo (mission à peu près impossible). Et puis il y a nous, les 7 français qui  en imposent pas mal lorsqu’ils débarquent avec tout leur barda. Le dimanche soir, nous dinons dans cette charmante auberge qu’est l’Estrellita. Au menu, une jardinière de légumes exotiques saveur gingembre. Non ce n’est pas une blague ! Même que c’est Côme et Ted qui nous ont concocté ça.  Excellent mais le kilo de gingembre était peut-être un peu superflu. Surtout dans le cadre d’une soirée entre bons copains… Chauds comme des patates et trop contents de pouvoir faire un peu la fête, nous poursuivons la soirée au Mama Afrika, une boite de nuit de Cusco. Dans l’ensemble une très bonne soirée ! Pas de souvenirs très précis (surement à cause du gingembre) mais à la fin, trois k-ways manquent à l’appel. Du coup, le lendemain, pour certains, c’est shopping. Les contrefaçons North Face sont monnaies courantes ici donc on en profite. Pendant ce temps-là, les autres profitent des pains au chocolat et pains aux raisins de la boulangerie qui jouxte notre hostal. Un petit gout de France qui nous ferait presque verser une petite larme…
L'équipe au complet dans la cour de l'Estrellita
     En fin de journée, nous prenons la route du Machu Picchu. D’abord un bus qui nous mène à Ollantaytambo. De là, juste le temps de se boire une petite soupe et nous embarquons dans le fameux train qui, pour la modique somme de 50 dollars (juste l’aller), vous fait parcourir 35km à tout casser pour vous emmener à Agua Calientes, la ville de départ du Machu Picchu. Mais pourquoi ce train coûte-t-il si cher ? Et bien parce que les péruviens ont le sens du business et obligent tous les touristes étrangers à voyager en première classe. Bon, tout ça pour dire que ça fait cher les sièges molletonnés, le petit café et  la madeleine. On apprécie quand même un peu le confort mais c’est bien parce que c’est le passage obligé pour le fameux Machu Picchu.

On voyage toujours en prem's
     23h, arrivé du train à Agua Calientes : retour à la réalité. Nous n’avons pas réservé de chambre d’hôtel, toutes hors budget pour les pinces que nous sommes. Mais attention, nous sommes toutefois très prévoyants : nous avons pris tapis de sol et sacs de couchage. On trouve en vitesse un spot correct pour passer la nuit qui s’annonce courte : l’ascension du Machu Picchu se fait à l’aube. Et c’est donc parti pour une nouvelle nuit de clodo sur un beau trottoir. Sept matelas étalés ainsi au milieu de la ville. L’occasion est trop belle pour les chiens du coin qui sont bien contents de s’être trouvés des copains pour la nuit. A 2h du matin Alex est réveillé par les plaintes de Vianney. Sur son matelas, un beau cabot bien sale mais attachant… Vianney, qui doit manquer un peu d’autorité dort à côté de son matelas à même le sol. Céder son tapis de sol à un clébard, c’est quand même un peu triste. « Alex, je fais quoi là ?!» demande Vianney désespéré. Bon certes ils nous ont un peu victimisés mais en même temps ils nous ont bien protégés toute la nuit en aboyant dès que quelqu’un passait. Certainement une bonne intention. Bref, vous l’avez compris, ce n’était pas la meilleure nuit de notre vie.

En voie de clochardisation...
     A 4h du matin, on est parti. Un peu de pain et de confiote, une montée bien raide d’une petite heure et nous y voilà. C’est vrai que c’est pas mal le Machu Picchu. Certains entament la visite par les bosquets histoire d’inscrire cette merveille du monde à leur palmarès de marquage de territoire. Les autres contemplent. Nous ne rentrerons pas dans des descriptions très longues, les photos parlent d’elles même. Tout ce que nous ajouterons c’est qu’en langue Quechua (dialecte des Incas) Machu signifie « vielle » et Picchu « montagne ». Ça vous en bouche un coin n’est-ce pas !? Bon et puis comme nous avons un peu le temps nous trainons sur les pelouses, posons en photo pour un bus de japonais qui ont l’air plus intéressé par une bande de 7 grands zigotos que par la 7ème merveille du monde. Ils se moquent de nous, nous nous moquons d’eux et tout le monde est heureux. Japonais, Français, Incas : c’est le choc des civilisations. Puis vient le moment de redescendre. Nous trainons difficilement nos carcasses jusqu’en bas. Le manque de sommeil de la nuit passée et de celle d’avant nous met complément KO. Juste le temps de faire estampiller notre passeport d’un tampon Machu Picchu, de prendre un léger repas au marché de la ville et nous reprenons notre petit train qui nous ramène à Cusco. Un petit film sur l’ordi et au lit, nous sommes épuisés.

Classique !

L'équipe de France de Foot au Machu Picchu

Il y en a qu'ont pas trop suivi la visite


Agua Calientes: ses pizerrias, son petit train...
     Un petit mercredi glandouille à Cusco pour récupérer. Et jeudi nous reprenons la route. A sept toujours, nous nous sommes habitués et c’est pas mal ! Cap sur Limatambo qui se trouve à quelques 80km de Cusco. Un col pour sortir de la ville puis une descente. Nous croisons un cyclotouriste japonais de 60 kilos à tout casser qui transporte un vélo de 80 kilos. Mouai pourquoi pas… Du coup il n’avance pas bien vite. En tout cas il nous comte que c’est la première fois qu’il croise un groupe de cyclistes aussi nombreux. Et ouai quand on vous disait qu’on pesait lourd dans le grand monde du cyclotourisme ! On se réjouit avec ce qu’on peut ! Bon ensuite on croise un autre mec à vélo. Celui-ci transporte un chien sur le porte bagage. Etonnant ! Malheureusement, nous n’en saurons pas plus, l’homme trace sa route. Un marionnettiste à vélo et ses 90 kilos de marionnettes, un amoureux des animaux et son chien de 20 kilos. On attend avec impatience le cyclotouriste musicien transportant son piano à queue… A 16h30, après une descente magnifique d’une trentaine de km,  nous voilà arrivés à Limatambo où nous créchons au presbytère. Le padre n’est pas très loquace mais il nous offre très gentiment le gite, que demander de plus. Le soir nous allons diner au comedor du coin. Une fois n’est pas coutume, la télé est allumée, le volume au max. Au programme, comme tous les soirs : Esto es Guerra. Un jeu télévisé péruvien genre inter-ville ou les participants sélectionnés sur leur physique (tout sauf péruviens) revêtent des tenues plus que légères. Il y a des filles et des garçons. Bon pourquoi pas…  La première fois, nous étions plutôt contents. Mais au bout d’un moment la bêtise du jeu saute davantage aux yeux que les attraits physiques des participantes. Du coup ça devient pesant de manger tous les soirs avec ce fond sonore et on doit se concentrer pour détourner notre attention de ce programme. Les habitués péruviens du resto prêtent peu attention à la télé et finalement les commentaires viennent toujours de la table des 7 gringos.  Quelle tristesse ! Nous fermons cette parenthèse sur les difficultés de notre vie quotidienne pour passer à la journée du jeudi qui elle non plus ne manque pas de difficultés. D’un tout autre ordre cependant…

Vincent urinant à côté des toilettes: tu vas avoir des soucis avec la dame pipi !
Mister chausettes 2014
      Réveil 6h30 sur la musique de Grease qui donne la pêche, pluie battante sur la cour du presbytère de Limatambo. L’étape du jour est une étape de montagne avec au moins 1500 mètres de dénivelé. Autant vous dire qu’on fait la gueule. Heureusement, l’ami Ricoré (Nesquick en l’occurrence) nous redonne un peu de baume au cœur. D’ailleurs dans l’ensemble, les petit-déj sont bien plus joyeux depuis que nous les prenons à 7. Ted a apporté la bonne humeur et le lait en poudre, les trois gars de l’eldorado à vélo l’organisation et le café tous les matins. Et puis nous, dans l’équipe de la Grande Echappée, nous donnons un bon coup de main pour venir à bout des 42 petits pains achetés tous les matins à la boulangerie du pueblo. Euuuh 6x7 42… Eh oui, ça fait bien 6 pains par personnes. Rien de trop pour tenir jusqu’à midi. D’ailleurs en ce vendredi 14 mars, personne ne pourra manger à midi. Sauf Alex qui réalise la performance de s’accrocher à un camion sur 40km de montée. Du coup, à 13h, monsieur s’est débarrassé du col à 4200m et est déjà attablé en attendant ses camarades restés 40km en arrière. Ah le salaud ! Il se trouve justement que le rédacteur de ce post est cette même personne. Par conséquent, il lui est difficile de relater en détails les aventures des 6 autres larrons. Mais vu leur tête à l’arrivée et leur état de fatigue, il semblerait que les 50km de montée, les 2238 mètres de dénivelé et les 7h de vélo ne furent pas des plus aisés (Litote : formule adoucie pour atténuer la brutalité d’une réalité). Le soir, un completo doublé (menu repris deux fois) dans un bon comedor de la ville d’Abancay et un petit dodo dans une école et l’équipe est en pleine forme pour le petit-déj du samedi. A quelques courbatures près…  

La sacoche avant du cyclotouriste rebaptisée "Sacouille" par l'équipe de l'Eldorado à vélo...


Euh, c'est par où ?



     Il s’agit aujourd’hui de rejoindre Huancarama. Au programme, une petite centaine de km dont 30 km de montée. Eh oui encore ! Mais cette fois-ci les lésés de la veille comptent bien se venger en attrapant au passage quelques camions. Malheureusement, à part quelques camions-bennes travaillant à la construction de la route encore en travaux, pas grand-chose à se mettre sous la main. Côme et Alex ouvrent le bal mais l’entreprise est vite avortée. Vianney et Quentin sont plus chanceux et font quelques 10km par ce biais. Arrivés au sommet où les conditions se compliquent (boue, éboulements…), une partie de l’équipe se fait doubler par un gros camion. Sur celui-ci (oui j’ai bien dit sur) apparaissent  un vélo puis deux, un cycliste, puis deux… Côme et Ted, les plus malins de la bande, se sont dit qu’au lieu de s’accrocher dangereusement aux camions, il valait mieux grimper dessus avec les vélos. Habile ! Au sommet, juste le temps de prendre un matecito (petit maté) offert par des ouvriers de la voierie et nous redescendons de l’autre côté vers des contrées plus ensoleillées. Dans la descente, Alex pette un câble, un câble de vitesse. Heureusement, super Ted lui change tout ça en deux ou trois mouvements ! Puis l’on s’attable à un comedor dans la charmante ville de Huancamara. Vincent et Alexi, les deux seuls mecs un peu sérieux de la bande qui ont fait le choix de ne pas « prendre » de camion (ou qui n’ont pas réussi .. ?) arrivent une bonne heure après les autres. Nous terminons la journée dans l’internat du presbytère. Et oui encore ! Le curé a cette fois-ci une dégaine de catcheur et son sbire un style de rappeur mais après tout pourquoi pas, ça change un peu. Ils sont en tout cas très sympas et nous offrent des pop-corn pour le petit-dej.
Conseil de guerre: on prend la route qui monte ou celle qui grimpe ?


Différents degrès de triche...

L'attrapera, l'atttrapera pas...?

     
ça boue, du coup ça fume...
     Et dimanche la journée commence par devinez quoi… Une montée ! Ça commence à être un peu lourd mais bon, on a signé pour les Andes à vélo donc on assume. Arrivés en  haut, le peloton de tête constitué de Vianney, Quentin et Alex  décide de prendre la route de droite. Alexi, Côme, Vincent et Ted jugent bon de prendre à gauche. Le groupe se scinde donc pour la journée. A gauche, l’équipe doit faire face à une route non terminée et recouverte d’éboulements importants les obligeants à porter leur vélos et leur sacoches sur plusieurs centaines de mètres. « C’est la première fois que je fais de la via ferrata avec un vélo » plaisante Ted. Apparemment c’était un peu dangereux. La route est bien ghetto mais au moins, les quatre acolytes restent sur la crête ce qui limite (un peu) le dénivelé. A droite, les trois rigolos descendent tout en bas de la vallée. Conséquence directe : grosse sanction, il va falloir tout remonter ! Et pas d’asphalte par ici, il faudra se contenter d’un chemin plein de pierres. Et 1800 mètres de dénivelé positif sur des cailloux ça fait drôle... 


Action Man route pourrie en Péruvie


Pendant ce temps là, l'équipe de la route de gauche ne se laisse pas abattre...

Vianney, la star des villages péruviens

Jolis derrières.
     Le soir, les deux expéditions se retrouvent au broaster (genre de fastfood de poulet) d’Andahuaylas pour débriefer de la journée. Ça parle condors, cochons, cailloux… Nous sommes tous crevés et trempés et l’on s’est donc pris des petits hôtels pour se remettre. Entre l’Adam et Eve hostal des uns qui dorment à 3 dans une chambre individuel de 2m carré et l’hôtel de passes miteux des autres qui s’endorment avec les sonorités peu poétiques des voisins , la nuit manque un peu de sérénité ! 

El condor pasa

El lama sans poil
     Lundi, ça va comme un lundi. Encore 50km de montée. Pour plus de précisions se référer à dimanche, samedi, vendredi… C’est tous les jours pareils. On monte et on se prend la flotte juste avant d’arriver. En même temps, quand on est à hauteur des nuages, il ne faut pas s’étonner ! A noter cependant une très belle descente ensoleillée (entre deux averses), descente faite de beaux lacets bien larges qui se prennent gentiment sans avoir besoin d’appuyer sur le frein. Un vrai bonheur, le paysage est magnifique. A 17h nous arrivons à Chincheros. La municipalité met la salle des fêtes à notre disposition. Nous jouons à la belotte et taquinons une balle de volley achetée le jour même dans le village. Un temps calme appréciable… Le soir nous nous endormons dans cette immense salle en pensant avec un peu d’appréhension à l’étape du lendemain. Nous rêvons aussi d’Ayacucho, ville touristique qui nous nargue depuis plusieurs jours sur notre carte Michelin. Ayacucho qui rime avec journée de repos et fin des cols pas beaux ! En vrai on en chie mais ils ne sont pas si vilains ces cols… 

Quand on débarque au resto  sept

Salle des fêtes de Chincheros, 18h30....


     Mardi 18 et plus que deux jours de vélo avant Ayacucho. Un col à 4500 mètres et 160 km nous en séparent. Nous attaquons la journée par une descente sous la pluie. Nous longeons une rivière et slalomons entre les éboulements qui barrent la chaussée. 

Il faudra aussi nous indiquer les zones non critiques !

Côme prend son bain de la semaine...
      Puis vient la piqure de rappel de la journée : une montée de 30 km. On se double et se redouble, avec ou sans camion. Nous établissons d’ailleurs un nouveau record : 4 gugusses accrochés au même camion. 2 à gauche, 2 à droite. Mais la manœuvre n’est pas très stable et la supercherie ne permet d’effacer que 5 ou 6 km. Le reste se fera à la sueur de notre front. Partis tôt le matin, nous terminons notre journée vélo vers 13h à Ocros. Luis, le directeur moustachu du colegio de la ville accepte de nous ouvrir une salle pour l’aprem et pour la nuit. Jackpot, le collège dispose d’un mini terrain de foot sur lequel démarre un match endiablé contre les professeurs de l’école. Mais attention, ce ne sont pas des rigolos. Ils ont beau avoir un peu d’embonpoint, nos cinq adversaires sont de véritables techniciens du ballon. Et je ne dis pas ça  que pour justifier le fait qu’ils nous battu à plate couture. En même temps nous notre délire en ce moment c’est plus le vélo. On ne peut pas être bons partout.


Juego bonito

On s'installe...
     Le lendemain c’est avec de bonnes courbatures de footballeurs retraités que nous entamons notre dernière journée avant Ayacucho. Comme d’hab, nous avons beau savoir qu’il ne faut pas trop se fier aux indications des locaux, nous ne pouvons pas nous empêcher de poser des questions sur le dénivelé et le kilométrage. « Son 8 kilometros de subida tranquila y luego todo pampa y pura bajada » nous assure l’un d’eux. Traduction : vous en faites pas les gars, il n’y a que 8 kilomètres de montée et après vous allez kiffer.


Soit ! Allons voir ça de plus près. Au final ce sont 20 kilomètres de bonne grosse montée. Arrivés au sommet du col à 4400 mètres, les réjouissances ne durent pas bien longtemps. Un mélange de pluie et de grêle nous trempe jusqu’aux os. C’est donc transis de froid que nous parcourons les 20 kilomètres suivant. Ça râle, ça jure sec (ou plutôt humide)… Nous terminons la journée avec 102 km au compteur. Durant cette semaine de montagne nous nous sommes bien donnés et c’est les yeux cernés que nous arrivons à Ayacucho. Au total, ce sont près de 11000 mètres de dénivelé positif que nous venons d'essuyer, et finalement bien peu grâce aux camions. Aujourd’hui, la providence nous offre une belle récompense : une petite auberge à 10 soles par personnes (3 euros). Chambres individuelles, petits lits douillets, wifi de compétition et douche chaude. Ça va siester dans les chaumières…

On approche du but !






Les bleus arrivent enfin à Ayacucho