De Cuzco à Ayacucho : les montagnes russes sous la pluie…


     Nous entamons donc notre séjour à Cusco avec un dimanche après-midi de repos bien mérité. Bons cyclotouristes que nous sommes, nous connaissons à l’avance, avant même d’arriver dans les villes, le repère des radins. A Cusco, il s’agit d’une auberge très bon marché en plein cœur du centre historique. On y croise des cyclotouristes saltimbanques qui trimbalent 90 kilos de marionnettes pour faire des spectacles dans les villages et financer leur voyage, des bretonnes un peu fauchées ou encore des chiliens, bien décidés à grimper au sommet du Machu Picchu avec leur vélo (mission à peu près impossible). Et puis il y a nous, les 7 français qui  en imposent pas mal lorsqu’ils débarquent avec tout leur barda. Le dimanche soir, nous dinons dans cette charmante auberge qu’est l’Estrellita. Au menu, une jardinière de légumes exotiques saveur gingembre. Non ce n’est pas une blague ! Même que c’est Côme et Ted qui nous ont concocté ça.  Excellent mais le kilo de gingembre était peut-être un peu superflu. Surtout dans le cadre d’une soirée entre bons copains… Chauds comme des patates et trop contents de pouvoir faire un peu la fête, nous poursuivons la soirée au Mama Afrika, une boite de nuit de Cusco. Dans l’ensemble une très bonne soirée ! Pas de souvenirs très précis (surement à cause du gingembre) mais à la fin, trois k-ways manquent à l’appel. Du coup, le lendemain, pour certains, c’est shopping. Les contrefaçons North Face sont monnaies courantes ici donc on en profite. Pendant ce temps-là, les autres profitent des pains au chocolat et pains aux raisins de la boulangerie qui jouxte notre hostal. Un petit gout de France qui nous ferait presque verser une petite larme…
L'équipe au complet dans la cour de l'Estrellita
     En fin de journée, nous prenons la route du Machu Picchu. D’abord un bus qui nous mène à Ollantaytambo. De là, juste le temps de se boire une petite soupe et nous embarquons dans le fameux train qui, pour la modique somme de 50 dollars (juste l’aller), vous fait parcourir 35km à tout casser pour vous emmener à Agua Calientes, la ville de départ du Machu Picchu. Mais pourquoi ce train coûte-t-il si cher ? Et bien parce que les péruviens ont le sens du business et obligent tous les touristes étrangers à voyager en première classe. Bon, tout ça pour dire que ça fait cher les sièges molletonnés, le petit café et  la madeleine. On apprécie quand même un peu le confort mais c’est bien parce que c’est le passage obligé pour le fameux Machu Picchu.

On voyage toujours en prem's
     23h, arrivé du train à Agua Calientes : retour à la réalité. Nous n’avons pas réservé de chambre d’hôtel, toutes hors budget pour les pinces que nous sommes. Mais attention, nous sommes toutefois très prévoyants : nous avons pris tapis de sol et sacs de couchage. On trouve en vitesse un spot correct pour passer la nuit qui s’annonce courte : l’ascension du Machu Picchu se fait à l’aube. Et c’est donc parti pour une nouvelle nuit de clodo sur un beau trottoir. Sept matelas étalés ainsi au milieu de la ville. L’occasion est trop belle pour les chiens du coin qui sont bien contents de s’être trouvés des copains pour la nuit. A 2h du matin Alex est réveillé par les plaintes de Vianney. Sur son matelas, un beau cabot bien sale mais attachant… Vianney, qui doit manquer un peu d’autorité dort à côté de son matelas à même le sol. Céder son tapis de sol à un clébard, c’est quand même un peu triste. « Alex, je fais quoi là ?!» demande Vianney désespéré. Bon certes ils nous ont un peu victimisés mais en même temps ils nous ont bien protégés toute la nuit en aboyant dès que quelqu’un passait. Certainement une bonne intention. Bref, vous l’avez compris, ce n’était pas la meilleure nuit de notre vie.

En voie de clochardisation...
     A 4h du matin, on est parti. Un peu de pain et de confiote, une montée bien raide d’une petite heure et nous y voilà. C’est vrai que c’est pas mal le Machu Picchu. Certains entament la visite par les bosquets histoire d’inscrire cette merveille du monde à leur palmarès de marquage de territoire. Les autres contemplent. Nous ne rentrerons pas dans des descriptions très longues, les photos parlent d’elles même. Tout ce que nous ajouterons c’est qu’en langue Quechua (dialecte des Incas) Machu signifie « vielle » et Picchu « montagne ». Ça vous en bouche un coin n’est-ce pas !? Bon et puis comme nous avons un peu le temps nous trainons sur les pelouses, posons en photo pour un bus de japonais qui ont l’air plus intéressé par une bande de 7 grands zigotos que par la 7ème merveille du monde. Ils se moquent de nous, nous nous moquons d’eux et tout le monde est heureux. Japonais, Français, Incas : c’est le choc des civilisations. Puis vient le moment de redescendre. Nous trainons difficilement nos carcasses jusqu’en bas. Le manque de sommeil de la nuit passée et de celle d’avant nous met complément KO. Juste le temps de faire estampiller notre passeport d’un tampon Machu Picchu, de prendre un léger repas au marché de la ville et nous reprenons notre petit train qui nous ramène à Cusco. Un petit film sur l’ordi et au lit, nous sommes épuisés.

Classique !

L'équipe de France de Foot au Machu Picchu

Il y en a qu'ont pas trop suivi la visite


Agua Calientes: ses pizerrias, son petit train...
     Un petit mercredi glandouille à Cusco pour récupérer. Et jeudi nous reprenons la route. A sept toujours, nous nous sommes habitués et c’est pas mal ! Cap sur Limatambo qui se trouve à quelques 80km de Cusco. Un col pour sortir de la ville puis une descente. Nous croisons un cyclotouriste japonais de 60 kilos à tout casser qui transporte un vélo de 80 kilos. Mouai pourquoi pas… Du coup il n’avance pas bien vite. En tout cas il nous comte que c’est la première fois qu’il croise un groupe de cyclistes aussi nombreux. Et ouai quand on vous disait qu’on pesait lourd dans le grand monde du cyclotourisme ! On se réjouit avec ce qu’on peut ! Bon ensuite on croise un autre mec à vélo. Celui-ci transporte un chien sur le porte bagage. Etonnant ! Malheureusement, nous n’en saurons pas plus, l’homme trace sa route. Un marionnettiste à vélo et ses 90 kilos de marionnettes, un amoureux des animaux et son chien de 20 kilos. On attend avec impatience le cyclotouriste musicien transportant son piano à queue… A 16h30, après une descente magnifique d’une trentaine de km,  nous voilà arrivés à Limatambo où nous créchons au presbytère. Le padre n’est pas très loquace mais il nous offre très gentiment le gite, que demander de plus. Le soir nous allons diner au comedor du coin. Une fois n’est pas coutume, la télé est allumée, le volume au max. Au programme, comme tous les soirs : Esto es Guerra. Un jeu télévisé péruvien genre inter-ville ou les participants sélectionnés sur leur physique (tout sauf péruviens) revêtent des tenues plus que légères. Il y a des filles et des garçons. Bon pourquoi pas…  La première fois, nous étions plutôt contents. Mais au bout d’un moment la bêtise du jeu saute davantage aux yeux que les attraits physiques des participantes. Du coup ça devient pesant de manger tous les soirs avec ce fond sonore et on doit se concentrer pour détourner notre attention de ce programme. Les habitués péruviens du resto prêtent peu attention à la télé et finalement les commentaires viennent toujours de la table des 7 gringos.  Quelle tristesse ! Nous fermons cette parenthèse sur les difficultés de notre vie quotidienne pour passer à la journée du jeudi qui elle non plus ne manque pas de difficultés. D’un tout autre ordre cependant…

Vincent urinant à côté des toilettes: tu vas avoir des soucis avec la dame pipi !
Mister chausettes 2014
      Réveil 6h30 sur la musique de Grease qui donne la pêche, pluie battante sur la cour du presbytère de Limatambo. L’étape du jour est une étape de montagne avec au moins 1500 mètres de dénivelé. Autant vous dire qu’on fait la gueule. Heureusement, l’ami Ricoré (Nesquick en l’occurrence) nous redonne un peu de baume au cœur. D’ailleurs dans l’ensemble, les petit-déj sont bien plus joyeux depuis que nous les prenons à 7. Ted a apporté la bonne humeur et le lait en poudre, les trois gars de l’eldorado à vélo l’organisation et le café tous les matins. Et puis nous, dans l’équipe de la Grande Echappée, nous donnons un bon coup de main pour venir à bout des 42 petits pains achetés tous les matins à la boulangerie du pueblo. Euuuh 6x7 42… Eh oui, ça fait bien 6 pains par personnes. Rien de trop pour tenir jusqu’à midi. D’ailleurs en ce vendredi 14 mars, personne ne pourra manger à midi. Sauf Alex qui réalise la performance de s’accrocher à un camion sur 40km de montée. Du coup, à 13h, monsieur s’est débarrassé du col à 4200m et est déjà attablé en attendant ses camarades restés 40km en arrière. Ah le salaud ! Il se trouve justement que le rédacteur de ce post est cette même personne. Par conséquent, il lui est difficile de relater en détails les aventures des 6 autres larrons. Mais vu leur tête à l’arrivée et leur état de fatigue, il semblerait que les 50km de montée, les 2238 mètres de dénivelé et les 7h de vélo ne furent pas des plus aisés (Litote : formule adoucie pour atténuer la brutalité d’une réalité). Le soir, un completo doublé (menu repris deux fois) dans un bon comedor de la ville d’Abancay et un petit dodo dans une école et l’équipe est en pleine forme pour le petit-déj du samedi. A quelques courbatures près…  

La sacoche avant du cyclotouriste rebaptisée "Sacouille" par l'équipe de l'Eldorado à vélo...


Euh, c'est par où ?



     Il s’agit aujourd’hui de rejoindre Huancarama. Au programme, une petite centaine de km dont 30 km de montée. Eh oui encore ! Mais cette fois-ci les lésés de la veille comptent bien se venger en attrapant au passage quelques camions. Malheureusement, à part quelques camions-bennes travaillant à la construction de la route encore en travaux, pas grand-chose à se mettre sous la main. Côme et Alex ouvrent le bal mais l’entreprise est vite avortée. Vianney et Quentin sont plus chanceux et font quelques 10km par ce biais. Arrivés au sommet où les conditions se compliquent (boue, éboulements…), une partie de l’équipe se fait doubler par un gros camion. Sur celui-ci (oui j’ai bien dit sur) apparaissent  un vélo puis deux, un cycliste, puis deux… Côme et Ted, les plus malins de la bande, se sont dit qu’au lieu de s’accrocher dangereusement aux camions, il valait mieux grimper dessus avec les vélos. Habile ! Au sommet, juste le temps de prendre un matecito (petit maté) offert par des ouvriers de la voierie et nous redescendons de l’autre côté vers des contrées plus ensoleillées. Dans la descente, Alex pette un câble, un câble de vitesse. Heureusement, super Ted lui change tout ça en deux ou trois mouvements ! Puis l’on s’attable à un comedor dans la charmante ville de Huancamara. Vincent et Alexi, les deux seuls mecs un peu sérieux de la bande qui ont fait le choix de ne pas « prendre » de camion (ou qui n’ont pas réussi .. ?) arrivent une bonne heure après les autres. Nous terminons la journée dans l’internat du presbytère. Et oui encore ! Le curé a cette fois-ci une dégaine de catcheur et son sbire un style de rappeur mais après tout pourquoi pas, ça change un peu. Ils sont en tout cas très sympas et nous offrent des pop-corn pour le petit-dej.
Conseil de guerre: on prend la route qui monte ou celle qui grimpe ?


Différents degrès de triche...

L'attrapera, l'atttrapera pas...?

     
ça boue, du coup ça fume...
     Et dimanche la journée commence par devinez quoi… Une montée ! Ça commence à être un peu lourd mais bon, on a signé pour les Andes à vélo donc on assume. Arrivés en  haut, le peloton de tête constitué de Vianney, Quentin et Alex  décide de prendre la route de droite. Alexi, Côme, Vincent et Ted jugent bon de prendre à gauche. Le groupe se scinde donc pour la journée. A gauche, l’équipe doit faire face à une route non terminée et recouverte d’éboulements importants les obligeants à porter leur vélos et leur sacoches sur plusieurs centaines de mètres. « C’est la première fois que je fais de la via ferrata avec un vélo » plaisante Ted. Apparemment c’était un peu dangereux. La route est bien ghetto mais au moins, les quatre acolytes restent sur la crête ce qui limite (un peu) le dénivelé. A droite, les trois rigolos descendent tout en bas de la vallée. Conséquence directe : grosse sanction, il va falloir tout remonter ! Et pas d’asphalte par ici, il faudra se contenter d’un chemin plein de pierres. Et 1800 mètres de dénivelé positif sur des cailloux ça fait drôle... 


Action Man route pourrie en Péruvie


Pendant ce temps là, l'équipe de la route de gauche ne se laisse pas abattre...

Vianney, la star des villages péruviens

Jolis derrières.
     Le soir, les deux expéditions se retrouvent au broaster (genre de fastfood de poulet) d’Andahuaylas pour débriefer de la journée. Ça parle condors, cochons, cailloux… Nous sommes tous crevés et trempés et l’on s’est donc pris des petits hôtels pour se remettre. Entre l’Adam et Eve hostal des uns qui dorment à 3 dans une chambre individuel de 2m carré et l’hôtel de passes miteux des autres qui s’endorment avec les sonorités peu poétiques des voisins , la nuit manque un peu de sérénité ! 

El condor pasa

El lama sans poil
     Lundi, ça va comme un lundi. Encore 50km de montée. Pour plus de précisions se référer à dimanche, samedi, vendredi… C’est tous les jours pareils. On monte et on se prend la flotte juste avant d’arriver. En même temps, quand on est à hauteur des nuages, il ne faut pas s’étonner ! A noter cependant une très belle descente ensoleillée (entre deux averses), descente faite de beaux lacets bien larges qui se prennent gentiment sans avoir besoin d’appuyer sur le frein. Un vrai bonheur, le paysage est magnifique. A 17h nous arrivons à Chincheros. La municipalité met la salle des fêtes à notre disposition. Nous jouons à la belotte et taquinons une balle de volley achetée le jour même dans le village. Un temps calme appréciable… Le soir nous nous endormons dans cette immense salle en pensant avec un peu d’appréhension à l’étape du lendemain. Nous rêvons aussi d’Ayacucho, ville touristique qui nous nargue depuis plusieurs jours sur notre carte Michelin. Ayacucho qui rime avec journée de repos et fin des cols pas beaux ! En vrai on en chie mais ils ne sont pas si vilains ces cols… 

Quand on débarque au resto  sept

Salle des fêtes de Chincheros, 18h30....


     Mardi 18 et plus que deux jours de vélo avant Ayacucho. Un col à 4500 mètres et 160 km nous en séparent. Nous attaquons la journée par une descente sous la pluie. Nous longeons une rivière et slalomons entre les éboulements qui barrent la chaussée. 

Il faudra aussi nous indiquer les zones non critiques !

Côme prend son bain de la semaine...
      Puis vient la piqure de rappel de la journée : une montée de 30 km. On se double et se redouble, avec ou sans camion. Nous établissons d’ailleurs un nouveau record : 4 gugusses accrochés au même camion. 2 à gauche, 2 à droite. Mais la manœuvre n’est pas très stable et la supercherie ne permet d’effacer que 5 ou 6 km. Le reste se fera à la sueur de notre front. Partis tôt le matin, nous terminons notre journée vélo vers 13h à Ocros. Luis, le directeur moustachu du colegio de la ville accepte de nous ouvrir une salle pour l’aprem et pour la nuit. Jackpot, le collège dispose d’un mini terrain de foot sur lequel démarre un match endiablé contre les professeurs de l’école. Mais attention, ce ne sont pas des rigolos. Ils ont beau avoir un peu d’embonpoint, nos cinq adversaires sont de véritables techniciens du ballon. Et je ne dis pas ça  que pour justifier le fait qu’ils nous battu à plate couture. En même temps nous notre délire en ce moment c’est plus le vélo. On ne peut pas être bons partout.


Juego bonito

On s'installe...
     Le lendemain c’est avec de bonnes courbatures de footballeurs retraités que nous entamons notre dernière journée avant Ayacucho. Comme d’hab, nous avons beau savoir qu’il ne faut pas trop se fier aux indications des locaux, nous ne pouvons pas nous empêcher de poser des questions sur le dénivelé et le kilométrage. « Son 8 kilometros de subida tranquila y luego todo pampa y pura bajada » nous assure l’un d’eux. Traduction : vous en faites pas les gars, il n’y a que 8 kilomètres de montée et après vous allez kiffer.


Soit ! Allons voir ça de plus près. Au final ce sont 20 kilomètres de bonne grosse montée. Arrivés au sommet du col à 4400 mètres, les réjouissances ne durent pas bien longtemps. Un mélange de pluie et de grêle nous trempe jusqu’aux os. C’est donc transis de froid que nous parcourons les 20 kilomètres suivant. Ça râle, ça jure sec (ou plutôt humide)… Nous terminons la journée avec 102 km au compteur. Durant cette semaine de montagne nous nous sommes bien donnés et c’est les yeux cernés que nous arrivons à Ayacucho. Au total, ce sont près de 11000 mètres de dénivelé positif que nous venons d'essuyer, et finalement bien peu grâce aux camions. Aujourd’hui, la providence nous offre une belle récompense : une petite auberge à 10 soles par personnes (3 euros). Chambres individuelles, petits lits douillets, wifi de compétition et douche chaude. Ça va siester dans les chaumières…

On approche du but !






Les bleus arrivent enfin à Ayacucho

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