Mocimboa da Praia - Pemba: de l'enfer au paradis en 3 jours !

        Nous quittons cette charmante bourgade de Mocimboa da Praia au petit matin. Notre programme pour les prochains jours est assez simple et s’annonce fort agréable. Notre objectif est de rejoindre, en deux jours, la ville de Quissanga point de départ de bateaux rejoignant l’archipel paradisiaque de Quirimbas pour un repos bien mérité. Au petit matin nous nous préparons pour une étape de 90 km de piste, une grosse journée en perspective mais rien d’insurmontable pour nos petites gambettes de super pédaleurs. La suite nous prouvera le contraire…  Nous l’ignorons encore quand nos petits yeux  naïfs s’ouvrent sur l’aube mozambicaine mais nous nous apprêtons à vivre une journée cauchemardesque que nous qualifierons après coup de « pire journée de merde de tous les temps ».  De 6h du matin à 4h la nuit suivante nous connaissons un tel enchainement de poisses que nous pouvons faire passer le mec du film la chèvre pour un rigolo de service. 22h d’efforts continus pour parcourir 60 malheureux kilomètres (soit une vitesse de 3km/h pour les matheux). Impossible me dites vous ? Nous l’avons testé pour vous. Mais bon en même temps fallait bien qu’on arrête de vous raconter que des histoires de plages sinon on n’aurait pas été crédibles en revenant ! Allez maintenant que vous en avez l’eau à la bouche on vous raconte. 

On dort dans des ecoles pour taffer notre portugais

Il est 7h du matin lorsque nous lançons notre premier coup de pédale. De prime abord rien d’anormal, la piste est un peu moisie comme d’hab. Après 5 premiers kilomètres parcourus bon train nous faisons face à la première difficulté de la journée. La piste se transforme petit à petit en une espèce de grosse plage, la mer en moins. Et franchement une plage sans mer mais avec des vélos c’est moyen fun. Nous nous embourbons sévère. Tous les cent mètres nous dérapons dangereusement avant de nous échouer lamentablement sur de grosses mottes de sables qui nous obligent à descendre pour pousser nos molosses. Le nombre de tronçons « roulables » se réduit de kilomètres en kilomètres au point qu’après une vingtaine de bornes parcourus en 2h nous constatons la terrible réalité « ouais bah la on avance plus du tout ». Il nous faut pousser sur les 20 derniers kilomètres qui nous séparent du village dans lequel nous pensons déjeuner. A partir de 10h au Mozambique, il fait chaud. Nous suons donc à grosse gouttes les pieds dans le sable, les mains cramponnées au guidon en trainant nos gros vélos. Signe que la journée s’annonce mal Vincent sort pour la première fois sa casqu-bob fusion audacieuse d’une casquette et d’un bob. Y’a des jours comme ça où tout fout le camp. Nous avançons comme des escargots maudissant tout à la fois : le Mozambique, le sable, nos vélos mais surtout l’éditeur de notre carte routière qui a eu le culot d’appeler cette route une « route importante de connexion ». Nous ne voyons en effet pas très bien ce que cet endroit a à voir avec une route ni en quoi elle pourrait bien être importante. Notre moral s’approche tranquillement du zéro absolu et seule la perspective de la pause déjeuner nous évite d’appeler nos mamans pour demander un rapatriement express. A 13h nous atteignons le village de Marere. En 6h nous avons parcourus 42km. Alex trouve malin de souligner que « même les moins bons courent le marathon plus vite que ça ». A Marere c’est pas la fête non plus. Le bled est minuscule, pas d’eau à vendre, pas de nourriture… Une mama accepte finalement de nous préparer un plat de riz blanc sur lequel nous nous jetons voracement. C’est pas fou, ça a le goût de terre  mais ça cale. La pause est de courte durée, nous devons repartir vite pour atteindre le village de Quiterajo pour la nuit situé à une vingtaine de kilométres de là. Au moment de monter sur nos vélos les villageois nous l’assurent, la route s’améliore juste après la traversée du fleuve Messalo à 5km de Marere.
« Nous : Ah oui le fleuve, il est où le pont d’ailleurs ?
Eux : Quel pont ?
Nous : Bah celui pour traverser le fleuve pardi
Eux : Ha ha mais y’en a pas ! (sourire attendri face à notre naïveté)
Nous : Ah… et du coup on fait comment ?
Eux : A marée basse il est un peu moins gros, faut porter les vélos. Mais attention aux crocos !
Nous : Ha ha, allez les gars arretez de déconner… (rire jaune) »
Nous partons donc vers le fleuve rapidos car nous comprenons que ça ne va pas être une partie de rigolade cette histoire. Les 7 km jusqu’à la berge du fleuve nous font traverser un décor totalement sauvage. Nous évoluons au milieu de la brousse, partout des plantes viennent nous caresser les jambes. On entend des bruits un peu louches à droite à gauche. Arrivés sur les rives du fleuve, on commence à flipper. Face à nous un beau bébé de 100m de large nous barre la route. Impossible à traverser, encore moins avec des vélos. De très loin nous apercevons un mozambicain, nous crions comme des ânes pour le faire venir. « Vas-y enlève ton t-shirt il va voir qu’on est blanc, il viendra ! ». Effectivement cela fonctionne. Nous découvrons que notre nouveau pote à une barque riquiqui et que moyennant une modique somme il peut faire traverser tout le monde vélos compris. Ce qu’il y a de pratique en Afrique c’est que tout est toujours possible. Notre passeur a la soixantaine bien tassée et il manœuvre un minuscule trimaran de bois à l’aide d’une grande tige de bambou qui lui permet de défier le courant. Nous voyons, l’œil inquiet,  partir nos vélos un à un sur cette embarcation branlante. Puis vient le tour des hommes. Côme s’élance le premier, après quelques métres le bateau tangue et se renverse. Bonne tranche de rigolade pour Alex et Vincent

Titanic in Africa

. Une fois sur l’autre rive nous soufflons, le plus dur est fait le fleuve est derrière nous. Plus que 10 bornes, la nuit tombe dans 1h30 mais ça devrait le faire. Naïfs que nous sommes ! Après 2 km la route plonge à nouveau dans un fleuve de la même envergure. Nous enrageons « putain mais il est même pas indiqué sur la carte celui-là ». Nous pédalons dans un dédale de pistes pour trouver un moyen de l’aborder… en vain. Nous commençons à être carrément paumés sur ces chemins qui se ressemblent tous. Et c’est à ce moment que la nuit décide de pointer le bout de son nez. Nous n’avons rien à manger, pas grand-chose à boire et surtout nous ne savons pas où et quand la marée sera la plus favorable pour attaquer la traversée du fleuve. C’est fou le phénomène de marée tout de même ! Pour couronner le tout Vincent nous concocte une crevaison surprise dont lui seul a le secret.  Il faut bien dire qu’à ce moment on ne fait plus trop les marioles. Nous rebroussons chemin après une réparation au clair de lune pour trouver un lieu où dormir. Après quelques errements nous apercevons la lueur d’un feu. Une cabane seule au milieu de rien. Une famille habite là dans la plus grande simplicité. Nous commençons à être bien fatigués et nous essayons de faire comprendre nos soucis dans un portugais approximatif. Nous apprenons que le fleuve ne se traverse qu’à marée super basse. C’est-à-dire la nuit lorsque la lune atteint un certain niveau dans sa course. Nous essayons de savoir une heure précise pour la traversée mais nous comprenons vite qu’ici la notion occidentale d’heure ne compte pas. Retour au basique, la lune et le soleil rythme la vie pour cette famille. Le père de famille accepte de nous accompagner pour la traversée du fleuve. En attendant il faut « esperar un poco ». Ici attendre un peu dure généralement entre 5min et plusieurs heures. Nous voilà donc tous les trois allongés sur une paillasse au milieu de rien à guetter fébrilement la montée de la lune dans le ciel. La mama nous apporte gentiment un peu de riz et de manioc. On doit avoir l’air bien perdu car c’est la première fois que l’on nous propose de la nourriture spontanément. Aux alentours de Lune-au-zénith moins le quart le chef nous secoue. Il faut y aller.

Il est 23h le moral est pas folichon

 Nous parcourons quelques kilomètres et retrouvons le chemin qui mène au fleuve. Effectivement ce dernier s’est retiré en partie et laisse entrevoir un marécage boueux peuplé de moustiques. Nous commençons la traversée du fleuve chargés de bagages. A mi-chemin Alex glisse à Vincent : « tu vois quand je t’ai rencontré à l’ESCP je ne pensais pas me retrouver avec toi en pleine nuit en caleçon au milieu d’un fleuve du Mozambique accompagné par deux mecs avec des machettes ». Comme quoi la vie est pleine de surprise. La surprise c’est aussi la difficulté du chemin que nous devons parcourir. Il faut porter, pousser, tirer notre équipement dans la boue dans un immense marais. 2h nous seront finalement nécessaire pour venir à bout de l’obstacle. Une évidence : tous seuls nous n’y serions jamais arrivés. Il est 1h du matin lorsque nos guides nous quittent en nous indiquant approximativement la route à suivre jusqu’a Quitarajo .

Traversée de marecage number oner


 Il reste 8 bornes et franchement on en a plein les sandales de cette journée. Le chemin vers la ville nous replonge petit à petit dans un nouveau marécage dégueulasse puis disparait complétement. Nous avançons péniblement car nos vélos se remplissent d’une épaisse couche de boue qui bloque nos roues (évidemment des garde-boues c’est fait pour retenir la boue finalement….). Nous pataugeons et glissons sur le sol mais nos vélos font du surplace. 

La on croit qu'on est sauvé mais en fait non


Au bout d’un moment nous réalisons que nous sommes bel et bien perdus. A y regarder de plus près la situation n’est pas fameuse. Nous sommes perdus au milieu d’un marécage au Mozambique et nous savons que nous ne pouvons pas trouver un endroit où dormir car la marée finira bien par remonter. Il nous faut donc absolument retrouver le chemin pour le village. A 2h30 du matin Vincent annonce d’un ton lugubre « les gars, le gps est tombé quelque part dans la boue ». Commence alors une longue et déprimante séance de recherche à la frontale. Nous errons donc, couverts de boue, à la recherche de l’engin qui nous permettait au moins de maintenir un cap à défaut de trouver sur le vrai chemin. A ce moment-là, il faut bien avouer que nous n’en menons pas large. C’est un de ces moments où l’on se dit que la situation commence à être un peu préoccupante voire flippante, voire critique. Après une longue recherche Alex crie victoire (façon de parler en vrai il a pas dit ça). Il est là l’animal. Nous pouvons donc recommencer à être perdus en toute sérénité. Le stress monte à mesure que nous avançons. Les paroles se font plus rares mais de manière plutôt rassurante nous sommes tous les trois calmes. Dans le fond nous sommes bien contents de ne pas être tous seuls dans cette galère.
Il est 3h passée lorsque Come débusque un semblant de chemin nous permettant de sortir du marécage. Nous émergeons finalement sur un chemin sablonneux qui semble mener droit à la ville. Quel bonheur de pousser son vélo dans des mottes de sables plutôt que dans la boue ! Il est quatre heures du matin lorsque nous arrivons hébétés au village de Quitarajo. Nous essayons de  redérouler le fil de la journée pour voir où ça a merdé et nous concluons que ça n’a jamais été bien rose. Avouons-le, nous n’avons jamais été aussi heureux de retrouver notre chemin. Nous nous écroulons sous un préau avant de voir débouler le maire de la ville accompagné de deux potes accompagnés de deux gros fusils qui vient faire une petite visite aux trois tas de boues qui viennent de débarquer chez lui. Après ce petit contrôle de passeport ils nous lâchent la grappe et nous nous endormons d’un sommeil lourd peuplé de marécages cauchemardesques sans issue.

        Nous nous réveillons avec le soleil 3h plus tard et le décor autour est bien celui d’une armée en débâcle. Nous nous rappelons péniblement la bérézina de la veille. Nous sommes sales comme des poux, nos vélos sont noyés sous la boue et nos fringues puent le marécage. Le manque de sommeil et la fatigue accumulée la veille nous rappellent nos lendemains de fiesta en France et en ce dimanche matin nous ne pouvons qu’avoir une pensée émue pour nos amis qui se réveillent peut être eux aussi avec un mal de crâne. Nous décidons de prendre une journée de repos (de toute façon on aurait été incapable de grimper sur nos vélos) et nous nous laissons prendre en main par les habitants de Quitarajo qui nous bichonnent et nous aident à remettre nos vélos en état. 

En Afrique une intimité de tous les instants


Nous prévoyons d’attraper le bus local de 4h du matin le lendemain pour nous éloigner au plus vite des pistes du coin qui nous filent des boutons. En attendant nous passons la journée à ne rien faire et à panser nos plaies de la veille. Nous enchainons les siestes que nous entrecoupons de bonnes bouteilles de Oasis Cola, le coca cola mozambicain, saveur de l’année 2013 de notre voyage. Notre seule activité de la journée est de descendre au village négocier avec le chauffeur de bus notre trajet du lendemain. Nous partons sereins. Trois jeunes et brillants étudiants de buziness-school-of-management rompus à l’art de la négociation ne feront qu’une bouchée de ce pauvre chauffeur mozambicain. En réalité le bougre nous mate à plate couture et nous payons à peu près trois fois le prix normal.

Y a moyen qu'on rentre meme avec nos sandales


A 4h du mat le lendemain (décidement ces derniers temps on ne dort pas beaucoup) nous quittons Quiterajo avec plaisir direction la ville de Macomia qui nous permet de retrouver des routes à peu près roulables afin d’atteindre Quissanga (mais si mais si souvenez-vous c’est de là qu’on prend le bateau pour les îles paradisiaques). Les bus mozambicains s’appellent des chapas et sont en fait des camions sur lesquels on met tout et n’importe quoi. Nous passons donc le trajet serrés comme des sardines entre des gens, des poules, des bacs de poissons et des vélos. La piste toute défoncée nous fait faire des bonds de kangourou. Presque de quoi nous faire regretter un bonne grève de rer B ça ! Le paysage est superbe et nous éprouvons un certain plaisir à voir défiler les kilomètres sans efforts. Franchement le vélo ça va à deux à l’heure ! A 7h nous voilà à Macomia et il nous faut remonter sur nos bicyclettes direction Quissanga. Le début de la route est asphalté et ça ça donne le sourire. Nous nous prenons à rêver d’un monde intégralement bétonné où nos roues pourraient s’ébattre gaiement pour l’éternité. La piste suivante est elle aussi de bonne qualité et nous permet de parcourir les 90 km menant à Quissanga dans la journée. Enfin nous y voilà ! Cela fait trois jours que nous fantasmons sur cette ville sensée nous emmener vers notre île de rêve. Dans notre auberge nous faisons la connaissance d’Oscar un cyclotouriste espagnol parcourant une bonne partie de l’Afrique à vélo : de Cape Town à Addis Abeba. Nous passons la soirée à parler état des routes, taille de pneu et dérailleur. Bé ouais qu’est-ce que tu veux on devient des pros !

Embarcadere pour l'archipel de Quirimbas



Dès le lever du soleil nous nous pressons vers l’embarcadère pour l’île d’Ibo, perdue dans l’archipel de Quirimbas. A 7h nous sommes au garde à vous devant le bateau pour un départ prévu dans la foulée.  Mais décidément nous apprenons lentement à connaitre l’Afrique. Notre bateau (un équivalent nautique du chapa) ne partira que lorsqu’il sera plein à craquer de poules, chaines hi-fi, ventilateur et autres bricoles. Nous passons donc la journée à atteindre au bord de la mer, accumulant encore sieste sur sieste histoire de combler un certain manque de sommeil.



Traversee pour l'ile d'Ibo



Quelques heures plus tard nous sommes sur les flots, bercés tranquillement par le roulis des vagues et le cocotements des poules. Le capitaine maintient fièrement le cap dans la houle et nous voyons grandir au loin une masse verdoyante. Terre ! Terre ! l’ile d’Ibo se dresse devant nous. Un magnifique tas de terre recouvert de mangroves laissant apercevoir ça et la de belles plages de sable fin et où des arbres barbotent dans la mer tranquillement à marée haute. 


La ville d’Ibo est une petite bourgade toute mignonne à l’architecture héritée de la colonisation portugaise. Ici tout le monde se connait et il ne nous faut pas plus de 5 minutes pour apprendre qu’ici vit Stéphane un français, ancien cuistot, qui tient un lodge et fait de la cuisine bien de chez nous. Nos papilles sont en ébullition et ni une ni deux nous y prévoyons d’y filer pour le diner. Crabe, pomme de terre sauté et ratatouille nous remettent d’aplomb. A Ibo nous renouons également avec la vie touristique. Nous croisons beaucoup de blancs qui nous racontent leur périple mozambicain. La journée suivante ressemble à un vrai dimanche nous trainassons au lit, puis devant la télé de notre guest house (où nous regardons un épisode de Scooby-doo avec toute la famille mozambicaine), puis au bord de la mer pour le coucher de soleil. C’est pas mal de ne rien faire aussi des fois…

BG number one

BG number two


Come et Alex ont bien bronzé


Come braconne dans un parc naturel, peche interdite






Kilwa Masoko - Mocimbao da Praia: les débuts au Mozambique


       Reprenons où nous vous avions laissés. Nous sommes donc jeudi 10 octobre et c’est pour nous jour de week-end. On aimerait bien maintenir un rythme normal et prendre par exemple nos jours de repos le dimanche comme tout bon européen que nous sommes, mais bon voilà, ce n’est pas du tout une bonne stratégie lorsque l’on voyage à vélo car notre visibilité se limite à peu près à 3 jours devant nous. Bref, cessons ces considérations peu constructives et décrivons donc ce bon jeudi glandouille. Après un réveil échelonné qui voit Côme se réveiller bon dernier à 11h 30 après une modeste nuit de 14h (ouai il dort pas mal de gros bébé), nous pouvons enfin partir en quête d’un petit déjeuner. Ce matin, c’est pain, beurre de cacahuètes et Pepsi. Paaaf sur l’estomac ! Un bon petit déjeuner de sportif qui nous donnera l’énergie nécessaire pour nous rendre à la plage de Kilwa. Nous enfourchons nos vélos déshabillés de leur sacoche pour l’occasion et nous parcourons les 5km qui nous séparent de la plage de Masoko Pwani. C’est jour de repos et on aimerait bien que, pour une fois, tout nous soit donné dans le bec tout de suite. Ce qui explique donc surement que, ne trouvant pas immédiatement notre route, nos parcourions la ville en criant « Beach beach beach, where is the beach ? » à tous les pauvres passant qui ont le malheur de se trouver sur notre route. Oui ce jour-là, il se peut que nous ayons  également mis notre politesse en day-off. Nous finissons par atterrir sur la plage tant désirée au niveau du Kilwa Dream Hotel. Effectivement le cadre laisse rêveur : de grands cocotiers, du sable blanc très fin et une mer turquoise que l’on aperçoit au loin. Bin ouai, on a pas de bol, c’est marée basse ! Il faudra attendre la fin de la journée pour voir notre grande plage déserte transformée en véritable cliché de carte postale (marée haute). 

On a toujours besoin de vous envoyer des cartes postales !

En attendant, notre petit dej  commence à être loin. Si je vous jure, au moins 2h ! Vincent part se baigner mais Côme et Alex estiment qu’il est grand temps de se remettre à table. Petit soucis, l’aubergiste affirme qu’elle ne peut pas nous servir grand-chose en dessous de 18 000 TZS par personne (9euros). Tiens donc ! Ça a beau être jour de fête dans l’équipe de la Grande Echappée, on ne va pas non plus se laisser rouler dans la farine de la sorte. On discute, on négocie, on fait des petites blagues en swailenglish (langue vivante que l’on devrait tous apprendre à l’école depuis le plus jeune âge) ! « You can still go downtown and have a ugali for nothing » rétorque l’amie un peu contrariée. Aie ! c’est pas très sympa d’envoyer ça en plein milieu de la négo ! Surtout que nos estomacs nous soufflent que retourner manger en ville n’est absolument inenvisageable. On ne se laisse pas démonter et on lui explique que notre budget est un peu serré. La bataille se termine avec une demi-victoire : un petit sandwich pas mauvais à 4000TZH. Côme s’extasie sur la fraicheur de ce doux sandwich à la tomate. Alex lui, paniqué par le manque de satiété remarque plutôt le petit arrière-gout de trop peu !  L’après-midi ressemble à une journée normale à la plage : sieste, lecture et pêche jusqu’au coucher du soleil. Le soir, la journée de repos s’achève avec une grosse session internet café pour publier le blog. J’en profite d’ailleurs pour en dire un peu plus sur cet exercice que nous allons devoir répéter toutes les semaines en Afrique. En Tanzanie, l’appellation « internet café » est quelque peu prétentieuse ou du moins pas tout à fait correcte. Tout d’abord il n’y a pas de café (ni même de thé ou autre boisson d’ailleurs) ce qui n’est pas un très gros problème en soi. Là où ça devient abusé, c’est quand il n’y a pas non plus internet. Nous avons dû faire 3 boutiques avant de trouver un pc en état de marche avec internet, ou du moins une clé 3G. Ensuite c’est lent mais ça va ! Sauf quand l’électricité saute ce qui arrive à peu près tous les jours dans ces contrées ! Voilà, du coup c’est assez compliqué mais c’est peut être aussi ce qui fait le charme de ces endroits. En parlant de charme nous avons aussi beaucoup apprécié l’album de Céline Dion qui tournait en boucle.  Résultat des courses, 2h de connexion le soir + 3h le lendemain matin pour boucler toutes nos petites affaires. Ah ce qu’on n’est pas prêt à faire pour vous… Ou plutôt pour raconter notre vie sur la toile: écrire, ça fait du bien.

Tout cela nous amène donc à vendredi 11 où nous prenons la route à 13h en plein cagnard. Oh les champions ! 1h15 plus loin, nous avons mis une claque aux 30km qui nous ramène sur la grande route sur laquelle nous avons déjà fait un petit bout de chemin et que nous apprécions de plus en plus. La vue est plus dégagée et les paysages plus changeants. On passe de teintes de jaunes à des vallées vertes de végétation : nous sommes heureux. A part Vincent qui a encore et toujours (depuis 2 jours) des problèmes de pneus : il a crevé et réparé deux chambres à air et rien n’y fait, sa roue reste molle… On a eu un  peu chaud mais l’étape est courte et vite réglée.

En fait on est des artistes


 A 18h, nous nous arrêtons à Kiwatama pour la nuit. Au programme, nuit de charme dans une gesthouse bien miteuse, la seule du village. Nous passons à table à 19h, sur le trottoir, à la table familiale de notre aubergiste. Elle nous sert de généreuses portions et à peine terminé, nous invite à aller de ce pas nous coucher. Peut-être s’est-t-elle dit que nous étions de grands sportifs et que nous avions besoin de sommeil. Ou bien, autre théorie : elle en avait assez de voir nos trognes. Faut dire qu’on lui a bien tenu tête à vouloir prendre deux chambres au lieu de trois. Bref, à 20h, nous regagnons nos chambres. La décision est prise, nous n’assisterons pas au match Angleterre-Monténégro (rebaptisé Montegro pour l’occaz par les autochtones) qui est diffusé dans la maison/bar voisine. Erreur d’appréciation de la Grande Echappée. Impossible de s’endormir avant la fin du match. Il y a trop de bruit et une fois n’est pas coutume, il fait beaucoup trop chaud pour trouver le sommeil.
Samedi 12 est un autre jour. C’est surtout un jour qui commence à 6h du matin et ça, on n’en est pas peu fier ! Après de nombreuses conversations à se dire que ça serait bien de rouler à la fraiche et surtout après moult tentatives infructueuses, c’est la première fois que nous parvenons à répondre positivement à l’appel du réveil. Bon, mais par contre il nous faut 2h pour être opérationnels sur nos vélos, c’est-à-dire propres, rassasiés et réveillés avec de l’eau et des provisions pour la matinée. Bon on n’est pas encore au top mais il y a du progrès : le célèbre « Demain faut qu’on décolle tôt ! » trouve enfin un semblant de concrétisation.  Nous voilà donc sur la route dès 8h du matin, la tête pleine de bonnes intentions kilométriques. Tout semble aller bien. Même le pneu de Vincent semble d’attaque après la réparation de la veille que nous croyons concluante et définitive. Pauvres de nous ! Sur les coups de 10h tombe la nouvelle : « Vincent ! ton pneu… il est pas ouf là ». En effet, celui-ci est complètement dégonflé. Le mystère reste alors entier. Si Alex et Côme trouvent l’énigme intéressante, Vincent qui est lui directement concerné,   a quant à lui la moutarde qui lui monte carrément au nez. Les insultes fusent en direction de ce pauvre Christophe (st-patron des voyageurs), le vélo de Vincent. En baptisant son vélo de la sorte, ce-dernier pensait justement éviter ce genre de soucis. Et bin c’est loupé, Christophe est surtout un bel emmerdeur. Nous devons même retenir l’agressivité de Vincent. Nous sommes à la limite de la maltraitance. On regonfle sommairement le pneu et Vincent atteint tant bien que mal la pause déjeuner après une matinée de 50km.
Lui il aurait su réparer le pneu de Vincent

On est aussi un peu des stars des fois

Avec l’aide d’un passant nous trouvons un foyer qui sert à manger et nous invitons l’homme qui nous l’a indiqué. En réalité, c’est lui qui s’invite mais ça fait quand même plaisir. Après le déjeuner c’est sieste obligatoire pour tout le monde. Sauf pour Vincent qui n’a pas l’esprit assez libre pour se laisser aller. Seul face à son destin, il fait marcher ses méninges pour identifier des suspects dans l’affaire du pneu. Son intuition ou plutôt son raisonnement cartésien le font s’arrêter sur un microscopique fil qui apparait à l’intérieur du pneu. Il s’arme d’une lame (et de patience) et entame l’opération chirurgicale. Après une lutte acharnée le verdict tombe : au bout du fil apparait une petite tige en fer bien pointue qui asticote la roue de Christophe depuis bien 200 bornes. Mais tout va bien, le problème est résolu. Vincent a donc retiré une bonne épine du pied de Christophe et il y a réconciliation. Il peut aller rejoindre ses deux compères au pays des rêves. Et pour la première fois depuis bien longtemps, il dort sur ses deux oreilles. Partir tôt le matin offre aussi l’avantage d’avoir le droit à une pause plus conséquente à midi. Nous reprenons donc la route vers  16h pour faire les quelques 30km qu’il nous reste à parcourir. La route est vallonnée et le paysage époustouflant. Des arbres géants jalonnent la route et apparaissent çà et là des petites frimousses de singe. Il n’y a pas de doute on commence à aimer l’Afrique. Le soir, le village étape n’est pas d’envergure escomptée. Pas vraiment de guesthouse à l’horizon. Comme nous ne nous sentons pas encore prêts à planter la tente au milieu de nulle part, 2 solutions s’offrent à nous : parcourir de nuit 30 km supplémentaires ou bien aller demander la charité aux habitants de Kitamanga. Bingo,  nous faisons la connaissance de Jafar. Bon, comme ça, ça ne présage pas forcement grand-chose de bon… Mais figurez-vous que ce Jafar est gentil qui et qu’il connait à peu près tout le monde dans le village (soit environ 400 âmes). Il met le réseau en marche et, aidé de ses deux compères Saidi et Ismael, il nous dégote une pièce dans une petite maison. Nous partagerons donc la nuit avec les propriétaires et nous irons diner chez les voisins. Bien sûr, nous rémunérons nos hôtes mais nous négocions un peu les prix. Ismael, pensant probablement nous ouvrir les portes d’un Holiday Inn nous demandent la modique somme de 50 000 shillings pour la nuit. Ouiiii, bien tenté ! Nous nous en sortirons pour 10 000 ! Même à vélo et avec des looks de voyageurs pas hyper fortunés, nous avons du mal à sortir du rapport marchand avec les personnes que nous croisons. Parfois on se sent un peu comme des sortes de gros billets de 100$ ambulants et c’est difficile de créer de vraies relations. Mais bon c’est comme ça et c’est certainement un peu normal. Et puis on n’a  pas à se plaindre non plus, toutes les rencontres ne se terminent pas pas en shillings. C’est souvent avec simples sourires et poignées de mains que se soldent les rencontres.
Le lendemain c’est dimanche ! Pour la Grande Echappée, c’est un jour comme un autre donc c’est debout 6h (comment ils se la racontent !) C’est aussi l’heure du debriefing sur la nuit : « Bien dormi ? Pas ouf et toi, combien de suées ? » Ouai, il faut l’avouer,  nos nuits sont assez nulles. Vincent affirme que l’on transpire comme des bœufs parce que l’on évacue toute la chaleur accumulée pendant la journée. Mouai…A soutenir de telles théories « scientifiques », il ne faut pas s’étonner qu’il ait mis 3 jours à régler le problème de son pneu ! Chacun notre tour nous allons faire une petite toilette dans l’endroit dédié à cet effet. Sur le chemin il y a la petite cour intérieure ou s’affaire déjà toute la famille. Ils ne chôment pas non plus les bougres ! Voyant Vincent revenir de la douce en caleçon, Alex s’offusque : « T’exagères mec à te balader torse poil devant toute la famille. Il y même la Grand-mère je te signale ! » Mais Vincent est confiant : « Ouais bin justement elle a bien kiffé et elle m’a lâché un gros smiley ». A vérifier…Nous remercions ensuite chaleureusement nos hôtes et prenons la route pour la côte et plus précisément la plage de Lindi ou nous comptons passer l’après-midi et la soirée. Nous n’avons que 50km à faire et ça c’est cool. Nous faisons même la rencontre d’un cycliste d’un autre genre. Lui ne trimbale pas de sacoche mais une cage remplie d’une bonne vingtaine de poules. Il nous double en se marrant. On ne se laisse ne pas faire et on lui repasse devant : il se marre encore plus. Du coup, on se marre aussi. Le petit jeu se termine à Lindi ou nous recroisons ce charmant monsieur qui aura bien égayé notre journée. Tout est simple et à 11h nous entamons une descente avec vue sur l’Océan Indien.

Arrivée à Lindi

 A 12h, nous sommes sur la plage. S’en suit une belle sieste (et oui encore) et des petits bains à 30 degrés. Alex se réveil de sa sieste à l’ombre des cocotiers avec un gros coup de soleil sur le ventre. Il jure :  « p*t** mais c’est pas juste, j’étais à l’ombre tout le temps ».Bin Oui, le coup de gueule est quand même justifié… Etre roux et sous antipaludéen photo-sensibilisant en Afrique, c’est pas drôle tous les jours ! Le soir, un bon diner dans le centre-ville, un petit coup de Biafine et au lit tout le monde. Demain c’est lundi et nous quittons Lindi (hihi) !


Avec une pensée pour ce bon vieux Claude, nous quittons donc le Lindi au soleil, et comme chaque fois c’est pareil, nous devons remonter sur nos montures qui commençaient à s’impatienter. Une rude épopée de 110 kilomètres nous attend afin de rallier la ville portuaire de Mtawara qui dans les années 50 a volé la vedette à Lindi et est devenue la principale métropole du sud de la Tanzanie. Pourtant nous on avait un petit penchant pour la petite Lindi, sa plage et son patrimoine archéologique. Figurez-vous chers lecteurs que c’est ici même qu’ont été découverts les restes du plus grand dinosaure jamais déterré. Un Brachiosaure de plusieurs dizaines de mètres. L’équivalent d’un Diplodocus en plus costaud. Un peu le Teddy Riner de la préhistoire. Un de ces dinosaures qu’il ne fallait pas chatouiller. 

Ajouter une légende

Revenons à nos hippopotames, nous aussi nous arrivons à Mtwara avec de jolies têtes de dinosaures déterrés. Nos jambes ne répondent plus qu’à l’appel du Pepsi frais qui nous attend dans le centre-ville, dans un petit resto de rue dont nous sommes tout de suite tombés amoureux. Parlons-en de ce resto. Abrité sous un gros Mango Tree, deux mamas et trois serveuses souriantes et avenantes nous apportent un plat de riz et de poisson grillé qui reste à ce jour le plus beau bol de riz que nous ayons mangé en Afrique. Un poil saoules, les serveuses au contact facile viennent s’assoir avec nous, nous invitent à danser et nous adressent des « give me five » bien ricains toutes les deux minutes. C’est décidé ce soir on fait pêter la grosse Kilimandjaro (bière tanzanienne) et on s’ambiance avec elles. Entre temps Alex et Vincent demandent une assiette de frite pour compléter ce repas de fête et se retrouvent avec une omelette dans un sac plastique où trois frites paniquées tentent de nager pour éviter de se noyer dans ces œufs à moitié cuit. Encore un coup de Saïdi en cuisine qui a voulu rajouter sa touche perso. On est loin de la french touch mais on lui en veut pas, il fait du bon taff notre pote Saïdi. Simplement quand il boit trop de Kilimandjaro il fait n’importe quoi le pauvre vieux. En tout cas le lendemain c’est jour de repos bien mérité après ces longues étapes brûlantes. Du coup on la double la Kilimandjaro et puis on va se coucher. Le lendemain nous découvrons la plage de Mtwara qui n’a rien à envier à celle de Lindi ou Kilwa mais a le mérite d’être très fréquentée. C’est sympa aussi de voir les tanzaniens s’amuser à la plage. Vincent et Côme sortent la balle de foot pour faire un petit volley dans l’eau. Grave erreur. Deux petits gamins s’approchent et tentent de s’incruster dans la partie. Ok, why not, un petit 2 contre 2 des familles ça peut être sympa aussi. Simplement en 3 minutes le 2/2 se transforme en un 2 contre 70. Une nuée de gamins entre 8 et 14 ans courent dans l’eau malgré les rochers et apparaissent des quatre côtés de la plage. L’union fait la force, impossible de lutter. La Tanzanie remporte ce match haut la main.
Eux aussi c'est un peu des artistes

Il n’y a qu’Alex qui a pu échapper à cette déculottée. Il nous observe de loin sur son matelas gonflable, crème solaire dans une main et bouquin dans l’autre. De retour sur le spot où nous sommes installés sur la plage, Côme fait le deuxième faux pas de la journée. Il sort sa liseuse électronique pour se replonger dans l’univers polaire d’Anna Karénine. Et notre groupe de joyeux volleyeurs vient se coller à 10 centimètres de ses tempes pour son plus grand plaisir. Difficile de garder son calme lorsqu’autant d’espoir était placé dans cette petite sieste tranquille au bord de l’eau. Heureusement un groupe de blancs vient à passer sur la plage. Côme, au bord du craquage est à deux doigts de placer un abominable « look, look, Ipad Ipaaaaad !! » pour faire diversion. Bien heureusement, ces pensées resteront muettes et les gamins se détournent naturellement de nous pour aller entourer nos sauveurs. Si nous faisons tous les efforts du monde pour rester souriants et attendris par ces gigantesques groupes d’enfants, dans les moments de grande fatigue il est vrai que nous réfléchissons à des stratagèmes pas toujours avouables pour les éviter.
Gros roupillon signé Alex
Cette journée à Mtwara s’achève autour d’un repas chez Saidi et toute sa bande avant un retour dans nos sacs à viande pour préparer notre entrée au Mozambique le lendemain. C’est par une piste assez rocailleuse que nous atteignons le poste frontière pour faire tamponner nos visas et quitter le pays de Simba le roi lion. En quelques minutes c’est réglé et nous pénétrons dans un no man’s land d’une dizaine de kilomètres. Nous prenons un bateau pour traverser le fleuve Ruvuma avant le poste frontière du Mozambique. La traversée dure quelques minutes qui nous laissent le temps d’apercevoir un groupe d’hippopotames qui barbote non loin de la berge. L’animal a beau être le plus dangereux d’Afrique avec des statistiques qui l’élèvent au rang de serial killer number 1 sur le continent ; nous voyons tout de même des gens courir le long de la berge à quelque mètres d’eux. Tu m’étonnes qu’ils finissent par se faire bouffer ! Mêmes formalités coté Mozambique. Nous avons l’impression de rentrer dans le pays comme dans un moulin. A première vue, un moulin pas bien différent de celui que nous venons de quitter. Il ne fallait pas s’attendre à perdre 15 degrés en 10 kilomètres d’un autre côté.

On vous jure qu'au loin il y'avait bien des Hippos!

 Pendant la sieste, Côme demande à Vincent, plongé dans le Lonely Planet, « Est-ce qu’ils disent s’il y a autant de mouches au Mozambique ». Alex, lui, commence à voir la peau de son ventre tomber en petits morceaux après son coup soleil ravageur de Lindi. « Les gars vous vous rendez compte que je l’ai pris à l’ombre ce p****n de coup de soleil !!?. Vous pensez que c’est possible qu’il y ait un trou dans la couche d’ozone à Lindi ? ». Vincent, trop heureux d’en être tiré de ses problèmes de pneu, et Côme, encore des hippopotames dans les yeux, passent un peu à côté de la détresse de leur pote. Pas cool… 


On se la raconte un peu aussi

Il nous reste une vingtaine de kilomètres de piste avant notre premier village étape mozambicain (mozanbiquais ??). Nos vélos s’enfoncent dans le sable, il nous faut plusieurs fois descendre et les pousser. Et par-dessus le marché nous sommes en pleine jungle dans une zone habitée en particulier par des éléphants, des lions et des léopards. Nous n’en verrons pas cette fois mais les traces et les excréments des pachydermes sur les bords de piste laissent rêveur. Enfin on espère voir un jour autre chose que des crottes d’animaux sauvages ; ce serait plus fin à raconter au moins. La végétation est beaucoup plus dense et verte autour de nous. A la nuit tombée résonnent dans la jungle des cris d’oiseaux et de vies invisibles. L’océan est à quelque centaines de mètres mais la cime des baobabs et des acacias entassés nous empêche d’apercevoir la moindre vaguelette. A Quionga nous sommes accueillis par tout le village qui nous trouve un semblant de toit pour quelques Meticals, notre nouvelle monnaie. Les premières différences avec la Tanzanie nous apparaissent plus flagrantes. L’eau y est plus rare et bien plus chère, les portions de riz plus maigres et la population semble plus pauvre. Du moins pour le moment. On nous demande plus régulièrement de l’eau, de la nourriture ou de l’argent. Les vêtements des enfants, souvent déchirés, laissent apparaitre des petits ventres gonflés mal nourris. Nous sommes peut-être encore loin d’une pauvreté extrême mais le changement est frappant.
Le lendemain nous maintenons ce rythme de réveil à 5h45 pour une journée qui nous mènera à Maputo, un petit village qui porte le nom de la capitale, elle située à 3000 kilomètres plus au sud. Au petit déjeuner, notre hôte nous donne une leçon de préparation du poulet, depuis l’abattage de la bête (la tête dans le sable, et un bon coup de machette sur la nuque) jusqu’à sa cuisson. Le spectacle est impressionnant. Seule bémol, difficile de garder un estomac serein lorsqu’il a lieu à 6h du matin à l’heure du thé.
Après 70 km de piste / hors-piste, nous débarquons à Maputo. Une fois de plus entourés de 50 enfants surexcités nous nous voyons proposer par le chef du village une salle de classe dans l’école pour y installer nos matelas. Nous arrivons alors qu’il est assis sous un manguier pour faire les comptes du village. Le diner qu’il nous propose semble bien cher. A d’autres patron le coup du j’équilibre-mon-bilan-comptable-sur-le-dos-de-la-Grande-Echappée ! Malgré tout nous trouvons un accord qui satisfait tout le monde. Nous nous endormons comme des marmottes au pied du tableau noir sur lequel traine encore la leçon de portugais du jour. Le portugais c’est d’ailleurs la bonne nouvelle de cette entrée au Mozambique. Avec notre espagnol nous réussissons à les comprendre et à leur parler en brodant avec approximation des semblants de phrases de portugnol. C’est en fait même la deuxième bonne nouvelle. La première étant notre résistance à cette turista qui n’arrive toujours pas à nous rattraper, lancés à 25 km/h sur piste. Trop rapide cette année la Grande Echappée. 
Changement de décor

Notre troisième étape Mozambicaine nous amène à Mocimboa Da Praïa. Le nom nous fait déjà rêver, nos jambes pédalent toutes seules. C’est là que nous rencontrons Dev, un indien vivant ici pour son négoce de poulpe avec le Portugal et l’Italie. Dev nous paye un café et discute avec Côme du pays et de notre périple à venir. Il nous donne plusieurs contacts jusqu’à Maputo et accepte de nous ouvrir les portes de son entreprise pour y capter internet. C’est ainsi que sur fond de livraison d’octopus les faits rattrapent l’écriture.
Multo Obrigado Dev !
PS : Nous venons aussi d’apprendre par un tye qui nous a reconnu, que nous sommes passés sur les ondes en Tanzanie. Trois blanc becs sur leurs vélos n’ont pas échappé à Radio Dar Es Salaam. Nous imaginons déja le flash info :
« Avis à toute la tanzanie du sud et jusqu’à Johnnesburg, trois blancs à vélo passeront bientôt dans vos villages, y’a de l’oseille à se faire !  Allez les gars tout le monde se mobilise !"



Premier sunset do Mozambique
       Reprenons où nous vous avions laissés. Nous sommes donc jeudi 10 octobre et c’est pour nous jour de week-end. On aimerait bien maintenir un rythme normal et prendre par exemple nos jours de repos le dimanche comme tout bon européen que nous sommes, mais bon voilà, ce n’est pas du tout une bonne stratégie lorsque l’on voyage à vélo car notre visibilité se limite à peu près à 3 jours devant nous. Bref, cessons ces considérations peu constructives et décrivons donc ce bon jeudi glandouille. Après un réveil échelonné qui voit Côme se réveiller bon dernier à 11h 30 après une modeste nuit de 14h (ouai il dort pas mal de gros bébé), nous pouvons enfin partir en quête d’un petit déjeuner. Ce matin, c’est pain, beurre de cacahuètes et Pepsi. Paaaf sur l’estomac ! Un bon petit déjeuner de sportif qui nous donnera l’énergie nécessaire pour nous rendre à la plage de Kilwa. Nous enfourchons nos vélos déshabillés de leur sacoche pour l’occasion et nous parcourons les 5km qui nous séparent de la plage de Masoko Pwani. C’est jour de repos et on aimerait bien que, pour une fois, tout nous soit donné dans le bec tout de suite. Ce qui explique donc surement que, ne trouvant pas immédiatement notre route, nos parcourions la ville en criant « Beach beach beach, where is the beach ? » à tous les pauvres passant qui ont le malheur de se trouver sur notre route. Oui ce jour-là, il se peut que nous ayons  également mis notre politesse en day-off. Nous finissons par atterrir sur la plage tant désirée au niveau du Kilwa Dream Hotel. Effectivement le cadre laisse rêveur : de grands cocotiers, du sable blanc très fin et une mer turquoise que l’on aperçoit au loin. Bin ouai, on a pas de bol, c’est marée basse ! Il faudra attendre la fin de la journée pour voir notre grande plage déserte transformée en véritable cliché de carte postale (marée haute). 

 

En attendant, notre petit dej  commence à être loin. Si je vous jure, au moins 2h ! Vincent part se baigner mais Côme et Alex estiment qu’il est grand temps de se remettre à table. Petit soucis, l’aubergiste affirme qu’elle ne peut pas nous servir grand-chose en dessous de 18 000 TZS par personne (9euros). Tiens donc ! Ça a beau être jour de fête dans l’équipe de la Grande Echappée, on ne va pas non plus se laisser rouler dans la farine de la sorte. On discute, on négocie, on fait des petites blagues en swailenglish (langue vivante que l’on devrait tous apprendre à l’école depuis le plus jeune âge) ! « You can still go downtown and have a ugali for nothing » rétorque l’amie un peu contrariée. Aie ! c’est pas très sympa d’envoyer ça en plein milieu de la négo ! Surtout que nos estomacs nous soufflent que retourner manger en ville n’est absolument inenvisageable. On ne se laisse pas démonter et on lui explique que notre budget est un peu serré. La bataille se termine avec une demi-victoire : un petit sandwich pas mauvais à 4000TZH. Côme s’extasie sur la fraicheur de ce doux sandwich à la tomate. Alex lui, paniqué par le manque de satiété remarque plutôt le petit arrière-gout de trop peu !  L’après-midi ressemble à une journée normale à la plage : sieste, lecture et pêche jusqu’au coucher du soleil. Le soir, la journée de repos s’achève avec une grosse session internet café pour publier le blog. J’en profite d’ailleurs pour en dire un peu plus sur cet exercice que nous allons devoir répéter toutes les semaines en Afrique. En Tanzanie, l’appellation « internet café » est quelque peu prétentieuse ou du moins pas tout à fait correcte. Tout d’abord il n’y a pas de café (ni même de thé ou autre boisson d’ailleurs) ce qui n’est pas un très gros problème en soi. Là où ça devient abusé, c’est quand il n’y a pas non plus internet. Nous avons dû faire 3 boutiques avant de trouver un pc en état de marche avec internet, ou du moins une clé 3G. Ensuite c’est lent mais ça va ! Sauf quand l’électricité saute ce qui arrive à peu près tous les jours dans ces contrées ! Voilà, du coup c’est assez compliqué mais c’est peut être aussi ce qui fait le charme de ces endroits. En parlant de charme nous avons aussi beaucoup apprécié l’album de Céline Dion qui tournait en boucle.  Résultat des courses, 2h de connexion le soir + 3h le lendemain matin pour boucler toutes nos petites affaires. Ah ce qu’on n’est pas prêt à faire pour vous… Ou plutôt pour raconter notre vie sur la toile: écrire, ça fait du bien.

Tout cela nous amène donc à vendredi 11 où nous prenons la route à 13h en plein cagnard. Oh les champions ! 1h15 plus loin, nous avons mis une claque aux 30km qui nous ramène sur la grande route sur laquelle nous avons déjà fait un petit bout de chemin et que nous apprécions de plus en plus. La vue est plus dégagée et les paysages plus changeants. On passe de teintes de jaunes à des vallées vertes de végétation : nous sommes heureux. A part Vincent qui a encore et toujours (depuis 2 jours) des problèmes de pneus : il a crevé et réparé deux chambres à air et rien n’y fait, sa roue reste molle… On a eu un  peu chaud mais l’étape est courte et vite réglée.



 A 18h, nous nous arrêtons à Kiwatama pour la nuit. Au programme, nuit de charme dans une gesthouse bien miteuse, la seule du village. Nous passons à table à 19h, sur le trottoir, à la table familiale de notre aubergiste. Elle nous sert de généreuses portions et à peine terminé, nous invite à aller de ce pas nous coucher. Peut-être s’est-t-elle dit que nous étions de grands sportifs et que nous avions besoin de sommeil. Ou bien, autre théorie : elle en avait assez de voir nos trognes. Faut dire qu’on lui a bien tenu tête à vouloir prendre deux chambres au lieu de trois. Bref, à 20h, nous regagnons nos chambres. La décision est prise, nous n’assisterons pas au match Angleterre-Monténégro (rebaptisé Montegro pour l’occaz par les autochtones) qui est diffusé dans la maison/bar voisine. Erreur d’appréciation de la Grande Echappée. Impossible de s’endormir avant la fin du match. Il y a trop de bruit et une fois n’est pas coutume, il fait beaucoup trop chaud pour trouver le sommeil.
Samedi 12 est un autre jour. C’est surtout un jour qui commence à 6h du matin et ça, on n’en est pas peu fier ! Après de nombreuses conversations à se dire que ça serait bien de rouler à la fraiche et surtout après moult tentatives infructueuses, c’est la première fois que nous parvenons à répondre positivement à l’appel du réveil. Bon, mais par contre il nous faut 2h pour être opérationnels sur nos vélos, c’est-à-dire propres, rassasiés et réveillés avec de l’eau et des provisions pour la matinée. Bon on n’est pas encore au top mais il y a du progrès : le célèbre « Demain faut qu’on décolle tôt ! » trouve enfin un semblant de concrétisation.  Nous voilà donc sur la route dès 8h du matin, la tête pleine de bonnes intentions kilométriques. Tout semble aller bien. Même le pneu de Vincent semble d’attaque après la réparation de la veille que nous croyons concluante et définitive. Pauvres de nous ! Sur les coups de 10h tombe la nouvelle : « Vincent ! ton pneu… il est pas ouf là ». En effet, celui-ci est complètement dégonflé. Le mystère reste alors entier. Si Alex et Côme trouvent l’énigme intéressante, Vincent qui est lui directement concerné,   a quant à lui la moutarde qui lui monte carrément au nez. Les insultes fusent en direction de ce pauvre Christophe (st-patron des voyageurs), le vélo de Vincent. En baptisant son vélo de la sorte, ce-dernier pensait justement éviter ce genre de soucis. Et bin c’est loupé, Christophe est surtout un bel emmerdeur. Nous devons même retenir l’agressivité de Vincent. Nous sommes à la limite de la maltraitance. On regonfle sommairement le pneu et Vincent atteint tant bien que mal la pause déjeuner après une matinée de 50km. 


Avec l’aide d’un passant nous trouvons un foyer qui sert à manger et nous invitons l’homme qui nous l’a indiqué. En réalité, c’est lui qui s’invite mais ça fait quand même plaisir. Après le déjeuner c’est sieste obligatoire pour tout le monde. Sauf pour Vincent qui n’a pas l’esprit assez libre pour se laisser aller. Seul face à son destin, il fait marcher ses méninges pour identifier des suspects dans l’affaire du pneu. Son intuition ou plutôt son raisonnement cartésien le font s’arrêter sur un microscopique fil qui apparait à l’intérieur du pneu. Il s’arme d’une lame (et de patience) et entame l’opération chirurgicale. Après une lutte acharnée le verdict tombe : au bout du fil apparait une petite tige en fer bien pointue qui asticote la roue de Christophe depuis bien 200 bornes. Mais tout va bien, le problème est résolu. Vincent a donc retiré une bonne épine du pied de Christophe et il y a réconciliation. Il peut aller rejoindre ses deux compères au pays des rêves. Et pour la première fois depuis bien longtemps, il dort sur ses deux oreilles. Partir tôt le matin offre aussi l’avantage d’avoir le droit à une pause plus conséquente à midi. Nous reprenons donc la route vers  16h pour faire les quelques 30km qu’il nous reste à parcourir. La route est vallonnée et le paysage époustouflant. Des arbres géants jalonnent la route et apparaissent çà et là des petites frimousses de singe. Il n’y a pas de doute on commence à aimer l’Afrique. Le soir, le village étape n’est pas d’envergure escomptée. Pas vraiment de guesthouse à l’horizon. Comme nous ne nous sentons pas encore prêts à planter la tente au milieu de nulle part, 2 solutions s’offrent à nous : parcourir de nuit 30 km supplémentaires ou bien aller demander la charité aux habitants de Kitamanga. Bingo,  nous faisons la connaissance de Jafar. Bon, comme ça, ça ne présage pas forcement grand-chose de bon… Mais figurez-vous que ce Jafar est gentil qui et qu’il connait à peu près tout le monde dans le village (soit environ 400 âmes). Il met le réseau en marche et, aidé de ses deux compères Saidi et Ismael, il nous dégote une pièce dans une petite maison. Nous partagerons donc la nuit avec les propriétaires et nous irons diner chez les voisins. Bien sûr, nous rémunérons nos hôtes mais nous négocions un peu les prix. Ismael, pensant probablement nous ouvrir les portes d’un Holiday Inn nous demandent la modique somme de 50 000 shillings pour la nuit. Ouiiii, bien tenté ! Nous nous en sortirons pour 10 000 ! Même à vélo et avec des looks de voyageurs pas hyper fortunés, nous avons du mal à sortir du rapport marchand avec les personnes que nous croisons. Parfois on se sent un peu comme des sortes de gros billets de 100$ ambulants et c’est difficile de créer de vraies relations. Mais bon c’est comme ça et c’est certainement un peu normal. Et puis on n’a  pas à se plaindre non plus, toutes les rencontres ne se terminent pas pas en shillings. C’est souvent avec simples sourires et poignées de mains que se soldent les rencontres.
Le lendemain c’est dimanche ! Pour la Grande Echappée, c’est un jour comme un autre donc c’est debout 6h (comment ils se la racontent !) C’est aussi l’heure du debriefing sur la nuit : « Bien dormi ? Pas ouf et toi, combien de suées ? » Ouai, il faut l’avouer,  nos nuits sont assez nulles. Vincent affirme que l’on transpire comme des bœufs parce que l’on évacue toute la chaleur accumulée pendant la journée. Mouai…A soutenir de telles théories « scientifiques », il ne faut pas s’étonner qu’il ait mis 3 jours à régler le problème de son pneu ! Chacun notre tour nous allons faire une petite toilette dans l’endroit dédié à cet effet. Sur le chemin il y a la petite cour intérieure ou s’affaire déjà toute la famille. Ils ne chôment pas non plus les bougres ! Voyant Vincent revenir de la douce en caleçon, Alex s’offusque : « T’exagères mec à te balader torse poil devant toute la famille. Il y même la Grand-mère je te signale ! » Mais Vincent est confiant : « Ouais bin justement elle a bien kiffé et elle m’a lâché un gros smiley ». A vérifier…Nous remercions ensuite chaleureusement nos hôtes et prenons la route pour la côte et plus précisément la plage de Lindi ou nous comptons passer l’après-midi et la soirée. Nous n’avons que 50km à faire et ça c’est cool. Nous faisons même la rencontre d’un cycliste d’un autre genre. Lui ne trimbale pas de sacoche mais une cage remplie d’une bonne vingtaine de poules. Il nous double en se marrant. On ne se laisse ne pas faire et on lui repasse devant : il se marre encore plus. Du coup, on se marre aussi. Le petit jeu se termine à Lindi ou nous recroisons ce charmant monsieur qui aura bien égayé notre journée. Tout est simple et à 11h nous entamons une descente avec vue sur l’Océan Indien.


 A 12h, nous sommes sur la plage. S’en suit une belle sieste (et oui encore) et des petits bains à 30 degrés. Alex se réveil de sa sieste à l’ombre des cocotiers avec un gros coup de soleil sur le ventre. Il jure :  « p*t** mais c’est pas juste, j’étais à l’ombre tout le temps ».Bin Oui, le coup de gueule est quand même justifié… Etre roux et sous antipaludéen photo-sensibilisant en Afrique, c’est pas drôle tous les jours ! Le soir, un bon diner dans le centre-ville, un petit coup de Biafine et au lit tout le monde. Demain c’est lundi et nous quittons Lindi (hihi) !


Avec une pensée pour ce bon vieux Claude, nous quittons donc le Lindi au soleil, et comme chaque fois c’est pareil, nous devons remonter sur nos montures qui commençaient à s’impatienter. Une rude épopée de 110 kilomètres nous attend afin de rallier la ville portuaire de Mtawara qui dans les années 50 a volé la vedette à Lindi et est devenue la principale métropole du sud de la Tanzanie. Pourtant nous on avait un petit penchant pour la petite Lindi, sa plage et son patrimoine archéologique. Figurez-vous chers lecteurs que c’est ici même qu’ont été découverts les restes du plus grand dinosaure jamais déterré. Un Brachiosaure de plusieurs dizaines de mètres. L’équivalent d’un Diplodocus en plus costaud. Un peu le Teddy Riner de la préhistoire. Un de ces dinosaures qu’il ne fallait pas chatouiller. 


Revenons à nos hippopotames, nous aussi nous arrivons à Mtwara avec de jolies têtes de dinosaures déterrés. Nos jambes ne répondent plus qu’à l’appel du Pepsi frais qui nous attend dans le centre-ville, dans un petit resto de rue dont nous sommes tout de suite tombés amoureux. Parlons-en de ce resto. Abrité sous un gros Mango Tree, deux mamas et trois serveuses souriantes et avenantes nous apportent un plat de riz et de poisson grillé qui reste à ce jour le plus beau bol de riz que nous ayons mangé en Afrique. Un poil saoules, les serveuses au contact facile viennent s’assoir avec nous, nous invitent à danser et nous adressent des « give me five » bien ricains toutes les deux minutes. C’est décidé ce soir on fait pêter la grosse Kilimandjaro (bière tanzanienne) et on s’ambiance avec elles. Entre temps Alex et Vincent demandent une assiette de frite pour compléter ce repas de fête et se retrouvent avec une omelette dans un sac plastique où trois frites paniquées tentent de nager pour éviter de se noyer dans ces œufs à moitié cuit. Encore un coup de Saïdi en cuisine qui a voulu rajouter sa touche perso. On est loin de la french touch mais on lui en veut pas, il fait du bon taff notre pote Saïdi. Simplement quand il boit trop de Kilimandjaro il fait n’importe quoi le pauvre vieux. En tout cas le lendemain c’est jour de repos bien mérité après ces longues étapes brûlantes. Du coup on la double la Kilimandjaro et puis on va se coucher. Le lendemain nous découvrons la plage de Mtwara qui n’a rien à envier à celle de Lindi ou Kilwa mais a le mérite d’être très fréquentée. C’est sympa aussi de voir les tanzaniens s’amuser à la plage. Vincent et Côme sortent la balle de foot pour faire un petit volley dans l’eau. Grave erreur. Deux petits gamins s’approchent et tentent de s’incruster dans la partie. Ok, why not, un petit 2 contre 2 des familles ça peut être sympa aussi. Simplement en 3 minutes le 2/2 se transforme en un 2 contre 70. Une nuée de gamins entre 8 et 14 ans courent dans l’eau malgré les rochers et apparaissent des quatre côtés de la plage. L’union fait la force, impossible de lutter. La Tanzanie remporte ce match haut la main. Il n’y a qu’Alex qui a pu échapper à cette déculottée. Il nous observe de loin sur son matelas gonflable, crème solaire dans une main et bouquin dans l’autre. De retour sur le spot où nous sommes installés sur la plage, Côme fait le deuxième faux pas de la journée. Il sort sa liseuse électronique pour se replonger dans l’univers polaire d’Anna Karénine. Et notre groupe de joyeux volleyeurs vient se coller à 10 centimètres de ses tempes pour son plus grand plaisir. Difficile de garder son calme lorsqu’autant d’espoir était placé dans cette petite sieste tranquille au bord de l’eau. Heureusement un groupe de blancs vient à passer sur la plage. Côme, au bord du craquage est à deux doigts de placer un abominable « look, look, Ipad Ipaaaaad !! » pour faire diversion. Bien heureusement, ces pensées resteront muettes et les gamins se détournent naturellement de nous pour aller entourer nos sauveurs. Si nous faisons tous les efforts du monde pour rester souriants et attendris par ces gigantesques groupes d’enfants, dans les moments de grande fatigue il est vrai que nous réfléchissons à des stratagèmes pas toujours avouables pour les éviter.
Cette journée à Mtwara s’achève autour d’un repas chez Saidi et toute sa bande avant un retour dans nos sacs à viande pour préparer notre entrée au Mozambique le lendemain. C’est par une piste assez rocailleuse que nous atteignons le poste frontière pour faire tamponner nos visas et quitter le pays de Simba le roi lion. En quelques minutes c’est réglé et nous pénétrons dans un no man’s land d’une dizaine de kilomètres. Nous prenons un bateau pour traverser le fleuve Ruvuma avant le poste frontière du Mozambique. La traversée dure quelques minutes qui nous laissent le temps d’apercevoir un groupe d’hippopotames qui barbote non loin de la berge. L’animal a beau être le plus dangereux d’Afrique avec des statistiques qui l’élèvent au rang de serial killer number 1 sur le continent ; nous voyons tout de même des gens courir le long de la berge à quelque mètres d’eux. Tu m’étonnes qu’ils finissent par se faire bouffer ! Mêmes formalités coté Mozambique. Nous avons l’impression de rentrer dans le pays comme dans un moulin. A première vue, un moulin pas bien différent de celui que nous venons de quitter. Il ne fallait pas s’attendre à perdre 15 degrés en 10 kilomètres d’un autre côté. Pendant la sieste, Côme demande à Vincent, plongé dans le Lonely Planet, « Est-ce qu’ils disent s’il y a autant de mouches au Mozambique ». Alex, lui, commence à voir la peau de son ventre tomber en petits morceaux après son coup soleil ravageur de Lindi. « Les gars vous vous rendez compte que je l’ai pris à l’ombre ce p****n de coup de soleil !!?. Vous pensez que c’est possible qu’il y ait un trou dans la couche d’ozone à Lindi ? ». Vincent, trop heureux d’en être tiré de ses problèmes de pneu, et Côme, encore des hippopotames dans les yeux, passent un peu à côté de la détresse de leur pote. Pas cool… 


 

Il nous reste une vingtaine de kilomètres de piste avant notre premier village étape mozambicain (mozanbiquais ??). Nos vélos s’enfoncent dans le sable, il nous faut plusieurs fois descendre et les pousser. Et par-dessus le marché nous sommes en pleine jungle dans une zone habitée en particulier par des éléphants, des lions et des léopards. Nous n’en verrons pas cette fois mais les traces et les excréments des pachydermes sur les bords de piste laissent rêveur. Enfin on espère voir un jour autre chose que des crottes d’animaux sauvages ; ce serait plus fin à raconter au moins. La végétation est beaucoup plus dense et verte autour de nous. A la nuit tombée résonnent dans la jungle des cris d’oiseaux et de vies invisibles. L’océan est à quelque centaines de mètres mais la cime des baobabs et des acacias entassés nous empêche d’apercevoir la moindre vaguelette. A Quionga nous sommes accueillis par tout le village qui nous trouve un semblant de toit pour quelques Meticals, notre nouvelle monnaie. Les premières différences avec la Tanzanie nous apparaissent plus flagrantes. L’eau y est plus rare et bien plus chère, les portions de riz plus maigres et la population semble plus pauvre. Du moins pour le moment. On nous demande plus régulièrement de l’eau, de la nourriture ou de l’argent. Les vêtements des enfants, souvent déchirés, laissent apparaitre des petits ventres gonflés mal nourris. Nous sommes peut-être encore loin d’une pauvreté extrême mais le changement est frappant.
Le lendemain nous maintenons ce rythme de réveil à 5h45 pour une journée qui nous mènera à Maputo, un petit village qui porte le nom de la capitale, elle située à 3000 kilomètres plus au sud. Au petit déjeuner, notre hôte nous donne une leçon de préparation du poulet, depuis l’abattage de la bête (la tête dans le sable, et un bon coup de machette sur la nuque) jusqu’à sa cuisson. Le spectacle est impressionnant. Seule bémol, difficile de garder un estomac serein lorsqu’il a lieu à 6h du matin à l’heure du thé.
Après 70 km de piste / hors-piste, nous débarquons à Maputo. Une fois de plus entourés de 50 enfants surexcités nous nous voyons proposer par le chef du village une salle de classe dans l’école pour y installer nos matelas. Nous arrivons alors qu’il est assis sous un manguier pour faire les comptes du village. Le diner qu’il nous propose semble bien cher. A d’autres patron le coup du j’équilibre-mon-bilan-comptable-sur-le-dos-de-la-Grande-Echappée ! Malgré tout nous trouvons un accord qui satisfait tout le monde. Nous nous endormons comme des marmottes au pied du tableau noir sur lequel traine encore la leçon de portugais du jour. Le portugais c’est d’ailleurs la bonne nouvelle de cette entrée au Mozambique. Avec notre espagnol nous réussissons à les comprendre et à leur parler en brodant avec approximation des semblants de phrases de portugnol. C’est en fait même la deuxième bonne nouvelle. La première étant notre résistance à cette turista qui n’arrive toujours pas à nous rattraper, lancés à 25 km/h sur piste. Trop rapide cette année la Grande Echappée. 
 

Notre troisième étape Mozambicaine nous amène à Mocimboa Da Praïa. Le nom nous fait déjà rêver, nos jambes pédalent toutes seules. C’est là que nous rencontrons Dev, un indien vivant ici pour son négoce de poulpe avec le Portugal et l’Italie. Dev nous paye un café et discute avec Côme du pays et de notre périple à venir. Il nous donne plusieurs contacts jusqu’à Maputo et accepte de nous ouvrir les portes de son entreprise pour y capter internet. C’est ainsi que sur fond de livraison d’octopus les faits rattrapent l’écriture.
Multo Obrigado Dev !
PS : Nous venons aussi d’apprendre par un tye qui nous a reconnu, que nous sommes passés sur les ondes en Tanzanie. Trois blanc becs sur leurs vélos n’ont pas échappé à Radio Dar Es Salaam. Nous imaginons déja le flash info :
« Avis à toute la tanzanie du sud et jusqu’à Johnnesburg, trois blancs à vélo passeront bientôt dans vos villages, y’a de l’oseille à se faire !  Allez les gars tout le monde se mobilise ! »