Vitoria - Madrid: Le désert, les montagnes, et Madrid à l’horizon

          C’est en hommes nouveaux que nous quittons Vitoria, le pays basque et nos amis Ruben et Aurora, sans un certain pincement au cœur. Nous nous préparons à affronter l’Altiplano Castillan, aride en cette saison et assez désertique en ce qui concerne l’occupation par l’homme. Nous constatons notre avance sur l’itinéraire prévu jusqu’à Madrid et décidons de rallier Burgos, capitale gastronomique, en deux jours. Le paysage a complètement changé. Le décor luxuriant des montagnes basques, ses petits villages enclavés dans la vallée et ce ciel qui change d’avis toutes les deux heures, a laissé place à de grandes étendues dorées de champs de blés moissonnés. De temps à autre, surgi de nulle part, un petit village de 150 habitants profitant du passage d’un maigre cours d’eau pour y faire pousser trois tomates et deux concombre. Le soleil, en pleine journée nous brûle rapidement la peau et nous sommes forcés de boire beaucoup plus d’eau. 
Embouteillage en Castilla y Leon

Trafic fluide en Castilla y Leon


           Heureusement nous découvrons que tous ces petits villages, si perdus qu’ils soient, sont tous équipés d’une fontaine d’eau fraiche, de quoi remplir les bouteilles et nous doucher (me viennent à l’esprit des images de nous, nus dans des positions pas très commodes, nous douchant sur la place du village).  C’est dans ces mêmes villages que nous passons plusieurs nuits, accueillis à bras ouvert par les habitants, parfois par le Maire du village, qui se plient en quatre pour nous trouver un endroit pour monter le camp. Et c’est ainsi que nous nous retrouvons, un soir, à planter la tente sur la Plaza Mayor de Cubo de Bureba, sur les précieux conseils de Rafaël. Rafael c’est  un routier à la retraite qui s’arretait à chaque trajet dans ce village et qui a finalement décidé d’y construire une maison bleue. Plus pratique quoi ! Nous nous réveillons, le lendemain, les paupières encore collées, dans ce lieu si pittoresque, devant cette maison bleue, adossée à la colline (Parait-il qu’on y vient à pieds, qu’on ne frappe pas, que ceux qui vivent là, ont jeté la clé). Et Rafael, fidèle au poste, nous attendant sur sa bicyclette rose, bien décidé à terminer la conversation de la veille portant essentiellement sur les autoroutes reliant Burgos à Madrid… Encore un traquenard dans lequel Vincent tombe comme un bleu !

Vend campement, état presque neuf (les deux mecs en polaire bleue sont en option...)




Côme 1 - Le poisson 0
Juste avant Burgos, nous décidons de nous perdre un peu plus dans la nature en plantant la tente au bord d’un lac. A Villafranca, nous découvrons après 3 kilomètres d’une rude montée, une vallée immergée, plongée dans un calme religieux où seul un garde est là pour veiller au maintien de la beauté du lieu. C’est dans ce cadre bucolique que nous décidons de dormir. Et malgré les panneaux « prohibido acampar, banarse, pescar, respirar…Vivir ? », nous plantons la tente, nous douchons dans le lac et Côme en profite même pour sortir sa canne et pêcher une truite pour le diner.










Embalse del Alba
         
              La route reprend son cours, les étapes que nous prévoyons de 70 km en mesurant grossièrement avec les doigts sur la carte se révèlent être souvent bien plus longues. Il fait chaud, et même si nous évoluons maintenant sur l’Altiplano environ à 700 mètres d’altitude, les étapes ne sont jamais plates. Nos sacoches, elles, sont toujours aussi lourdes. Nous nous disons parfois que tout serait plus facile dans le monde d’Harry Potter. Hermione pourrait nous prêter son petit sac à main qui peut contenir un magasin entier, et les frères Weasley, leurs tentes magiques, qui, une fois à l’intérieur, n’ont rien à envier au château de Versailles.  Malheureusement, la réalité est moins rose comme le vélo de Rafael, et ce n’est pas en écoutant Le Plat Pays de Jacques Brel que nous allons faire l’autruche devant ces montagnes qui se dressent au loin, passage obligé pour atteindre Madrid.
Tout comme le paysage et le temps, nos lectures ont changé aussi. Un premier a décidé de se lancer dans la conquête de l’Annapurna avec Maurice Herzog pour se donner du courage, le deuxième se prend à rêver de froid polaire en abordant la vie d’Anna Karénine à St Petersbourg, et le dernier maintient que « figurez-vous qu’on apprend plein de choses en lisant la Bible. Et puis sinon, quand est-ce que je la lirai ? ».





On a pensé tricher avec ça mais finalement...
          Mais revenons au voyage. Nous passons à Burgos seulement quelques heures, le temps d’un déjeuner. Et c’est par l’expérience d’un délicieux kebab que nous votons nous aussi pour hisser la ville au rang de Capital de la Gastronomia Espanola. Este Kebab, fue una gozada ! Le soir même, après une après-midi à griller en plein soleil, nous atterrissons à Santa Cecilia. C’est un soulagement après 45 km sans pouvoir s’arrêter sous peine d’une attaque foudroyante par une nuée de mouches sans doute attirées par nos douces peaux de bébé qui en fin de journée sentent encore l’amande douce (Ref dernier article. D’ailleurs, le pot est bientôt vide, si vous avez des idées de parfums de gel douche à nous donner..). Cette Santa Cecilia, jamais nous l’avons croisé dans ce village pourtant si petit. En revanche nous faisons la connaissance du Maire qui nous fait visiter le pueblo.
- Encore un ! Maire alors ! ,tente l’un de nous après quelques verres au comptoir du bistrot où nous l’y rencontrons.
-Là ça devient limite, on devrait presque ouvrir un onglet dans le blog avec tes blagues les plus merdiques.
Pour notre défense, nous avons eu assez peu l’occasion depuis le début de nous détendre dans un bar autour de quelques verres. Et il faut bien avouer qu’après 80 kilomètres au soleil, ces trois misérables caňas ( l’équivalent d’un demi, un peu moins généreux chez les espinguoins) nous font rapidement raconter des bêtises.

Enfin tous les trois sur une photo !




            Les jours suivant sont dans la continuité de ces derniers. Nous nous rapprochons de Madrid chaque jour un peu plus et de cette étape que nos jambes redoutent, ce jour où nous devrons franchir la Sierra Guadarrama. Nos étapes reprennent un rythme soutenu, à plus de 80 kilomètres, dont une fois à plus de 100 par notre faute. Ce jour-là nous décidons de dormir à nouveau au bord d’un lac pour pouvoir se doucher et s’offrir une matinée de repos dans un cadre agréable. Après 80 kilomètres difficiles nous arrivons devant le panneau indiquant « Pie de la Presa » (Presa=Barrage). Fatigués et sûrs de notre Espagnol nous descendons ce chemin sinueux qui plonge dans des gorges vertigineuses dans un décor qui pourrait accueillir le tournage d’un Seigneur des anneaux 4. Arrivés tout en bas de cette longue descente nous arrivons au pied du barrage, mais du mauvais coté ! Et, cerise sur le gateau,  la nuit tombe et les gorges se révèlent être un lieu de nidification de…vautours !! Effectivement, quelques minutes plus tard un groupe de ces majestueux charognards tournoie au-dessus de nos têtes, attendant notre fin prochaine, avec des regards qui nous rappellent les nôtre observant l’eau des pâtes bouillir. C’est dans cette atmosphère morbide que nous devons remonter, épuisés, puis rajouter 12 km au compteur pour atteindre enfin le lac. Nous sommes récompensés par une vue magnifique, une table pour diner et une fontaine d’eau fraîche.

Embalse de Manzanares del Real

Le même mais en rose (oui oui on va mettre que des photos de coucher de soleil pendant 1 an... c'est notre spécialité)


Gravure de mode va !
            Après une bonne matinée à retrouver nos forces nous avalons assez vite les 80 km de notre étape suivante pour atterrir au pied du col de Navafria culminant à 1800 mètres d’altitude, de quoi alimenter nos cauchemars du soir. Nous dormons dans le village de Matamala, dans un parc à jeux abandonné, bien gardé par un troupeau de vaches. La nuit tombant, vient à passer un gigantesque troupeau de moutons qui manque de renverser nos tentes et notre riz qui cuit gentiment. Nous découvrons alors un berger, pour le coup vraiment pas bien cuit, grommelant des onomatopées et des bribes de phrases que seuls ses moutons semblent comprendre. Vincent tente une conversation avec notre ami mais le dialogue de sourds est vite abrégé.
Les vaches, les moutons, le berger, ce décor champêtre, pastoral, nous rappellent la montagne qui nous attend. Il est 10h, nous enfourchons nos vélos de 50 kilos et passons le panneau « col à 10 km ». Un cycliste suréquipé montant un bolide  de 3 kilos nous double à toute vitesse. Madrid nous appelle. Cette étape se fera avec les tripes. Les premiers lacets apparaissent dans les sapins, nous doublons une vache. Nous restons cramponnés, glissant péniblement à 9 km/h sur ce goudron pentu. Les panneaux kilométriques défilent lentement. 4, 5, 6.. 9, 10 ! Nous mettons nos dernières forces dans ce dernier kilomètre et voyons apparaître en haut ce fameux panneau que nous attendions tous :  « Comunidad de Madrid, Puerto de Navafria 1775 metros ». Quel soulagement ! Mais les réjouissances sont de courte durée. Il nous faut maintenant redescendre ces 10 km en 15 minutes puis remonter un col à 1550 mètres avant de voir apparaître, au loin, les immeubles de Nuevos Ministerios, un quartier moderne du nord de Madrid. Nous franchissons ce dernier col tout aussi péniblement et terminons cette journée qui en a semblé deux, au bord du lac de Manzanares el Real.

Notons tout de même que Côme a mis un cuissard de cycliste pour cette montée



         Après une journée de repos au bord du lac à dormir environ toute la journée, nous reprenons nos fières montures pour achever enfin ce prologue de notre Grande Echappée. Ce Paris Madrid qui sur un planisphère est à peine visible mais qui avait pour nous nous une grande importance. Les premières pages d’un livre, celles qui très vite te donnent une idée de la teneur du bouquin, si ça va te plaire ou si tu vas lire péniblement deux pages chaque soir. Et bien maintenant que nous avons fait ces derniers kilomètres, que nous sommes enfin installés dans cette ville qui nous est si chère, ce livre, nous sommes impatient d’en lire les prochaines pages.

Ci -dessus: le campement tel qu'on le rêve ...

Ci-dessus: la realité du campement (notons l'arbre à slip très réussi)


            C’est donc ici à Madrid, capitale de cette terre qui nous a accueillie pendant deux semaines de la plus belle des manières, que nous nous reposons enfin avant de reprendre l’avion pour la Tanzanie. Et c’est ici même que nous sommes accueillis chez Marion amie de l’ESCP, amoureuse de cette ville qui a décidé d’y prolonger son séjour pour y faire ses stages. L’eau boue, la table est mise, un bon diner nous attend et les faits viennent enfin rattraper l’écriture. Il est temps de faire la fête, les 5 prochains jours seront sans doute placés sous silence… J

Madrid

PS : restez connectés, bientôt nous mettrons en ligne un article sur les parties de pêche de Côme, les Echasses Landaises, le MP3 du cyclotouriste et évidement nos aventures tanzaniennes !


La sécurité sur les routes ...
... ça nous importe !







Biscarosse-Vitoria Gasteiz (capitale), le Pays Basque vend chèrement sa peau.

Le lendemain matin c’est vendredi, vendredi 13. Nous ne sommes pas superstitieux de nature mais quand notre confort dépend de la météo, de l’environnement et des rencontres faites sur le chemin, on commence à s’intéresser un peu plus au sort que nous réserve la providence. Les choses commencent assez bien en tout cas :  nous nous réveillons avec un beau soleil qui a fait sécher nos toiles de tente. L’extérieur du moins, l’intérieur reste quant à lui bien moisi. Le petit déjeuner est vite avalé et le matos emballé. Pas de temps à perdre, les vagues de Biscarosse nous attendent. 30 km plus loin, nous sommes déjà arrivés. Juste le temps d’acheter un ballon de foot et nous voilà sur la plage : les vacances commencent… Pour 2 heures au moins en tout cas : le temps de pique-niquer, de se baigner et de taper un petit foot ou plutôt et de se rendre compte que nos jambes ne sont plus bonnes à faire autre chose que du vélo.  Et c’est reparti.  Et oui, on ne va pas coucher la non plus. Un petit plouf dans l’espace douches publiques vue sur mer de la municipalité qui se transforme en salle de bain de crasseux pour l’occasion  et nous revoilà les fesses sur le vélo, propre comme des sous-neuf. Puis c’est l’arrêt au stand chez Macdo pour recharger les batteries (au sens propre et figuré) et raconter un peu notre vie sur internet. On resterait bien encore quelques heures au Fastfood américain ou les dessert glacés et la climatisation nous incitent à lever le pied mais il est 18h30 et il reste quand même  40km à parcourir pour atteindre notre point de chute : Mimizan Lake. Cette route est celle de tous les records. Avec une moyenne de 26km/h, nous réglons son compte à l’étape en à peine 1h30. C’est passé tellement vite que l’on n’a pas eu le temps de voir le paysage des landes pourtant magnifié par le coucher du soleil. « Il va falloir ralentir les gars parce que sinon on va être à Madrid demain soir et on risque de s’emmerder un peu ». Les bonnes blagues vont bon train. Sur l’étape du  jour Alex a aussi réalisé un record personnel de vitesse 54km/h. « Je vous jure les gars c’était sur du plat en plus ! ». Ses collègues ne sont pas dupes. Ils savent bien que seule une descente a pu mener les 90 kilos et quelques d’Alex à cette allure. On clôt tout de même cette conversation en se disant qu’il faut être prudent et ne pas oublier de freiner dans les descentes qui représentent finalement le principal danger de l’aventure. Nous arrivons donc à Mimizan pour le 20h. Bin non pas le journal, c’est du camping ! 
Non le 20h de la nuit qui tombe et de l’apéro qui se prépare.  
Là-baaaas, au Connemaraaa!
                                  

Ce soir c’est bière et chips et on a l’honneur de manger sur une table (nous sommes sur une aire de Pique-Nique). Ce petit luxe nous réjouit. Manger sur une table, il n’y a pas de doute c’est bien. On n’éparpille moins notre barda que sur notre bâche de 12m carré et puis ça donnerait presque envie de manger proprement… Presque ! Le souper est agréable. Côme qui affirme vouloir ouvrir notre champ des possibles nous a sélectionné un risotto de la mer surgelé Super U.  Et bin franchement ce n’était pas mauvais. Effectivement ça change des conserves…


Le 14 septembre est un autre jour. Un jour gris. Le réveil sonne à 8h30 comme presque tous les matins (Nous sommes en vacances mais n’abusons pas trop quand même). Encore une fois, camping sauvage oblige, il faut faire les petits besoins (et les autres) dans la nature. C’est chiant mais pas vraiment le choix. Alex part donc de bon matin à l’abri des regards (de ses potes oui mais des joggeurs matinaux pas toujours). Plus tard dans la matinée, ce qui semblait être un local poubelle se révèle être des toilettes publiques. Et c’est Alex qui fait la découverte ! Fort bien me direz-vous mais notre protagoniste n’y a plus rien à y faire. Reste à voir si notre homme est assez « grand prince » pour en avertir ses deux compères qui viennent de finir café et pruneaux d’Agen et commencent à se tortiller en envisageant les différents bosquets qui s’offrent à eux. Mais le confort de deux camarades de Tour du monde, ça n’a pas de prix et la décision est vite prise. Aussitôt dit, aussitôt fait… En guise de remerciement, Côme juge bon d’expliquer dans le détail à Alex le système de nettoyage automatique des WC qui en font un petit coin 4 étoiles (oui oui, on a déjà créé une échelle de qualité). Alex est heureux pour ses amis ! 

Puis vient l’heure de la douche, ou plutôt des ablutions dans le lac. Et aujourd’hui c’est jour de fête, on change de gel douche. De prime abord, Alex et Vincent trouvent le choix de Côme un peu décevant : « Oh non Côme, tu nous as troqué un gel douche fraicheur extrême contre un truc à l’amande, on va sentir la frangipane ! » Mais Côme toujours Comme ne se laisse pas démonter et argumente : « Mais non les mecs, c’est du lait d’amande douce, vous allez voir, on va sentir comme chez le coiffeur ». Mouai… Côme il est Côme ça parfois -jeu de mot MDR-. C’est un garçon pas comme les autres. 

20 bornes plus loin nous sommes au Super U. Et ouai encore... D’ailleurs on se dit que le Super U, ça aurait pu faire un Super thème pour notre voyage… En tout cas nous, ça nous passionne ! Cette fois-ci le plaisir de faire les courses est de courte durée car le magasin ferme ses portes. Il faut aller vite,  très vite ! 3 repas pliés en moins de 5 minutes et sans liste s’il vous plait ! Allez bim, un nouveau record pour la Grande Echappée ! Sur le parking on reprend notre souffle et commence alors une conversation très intellectuelle sur nos lectures :
- Le premier : « Pas mal la fin de mon bouquin Le Club des incorrigibles optimistes, en fait ils s’étaient connus au KGB et du c’est pour ça qu’il ne peut pas le blairer, c’est un peu la clé du dénouement »
-Le second: « Ah t’es relou, je voulais le lire, ça se fait pas. Est-ce que je te raconte la fin de la Bible moi !? »
-« Moi je m’en fou de toute façon après je vais lire Harry Potter. La coupe de feu en Tanzanie ça va être nickel !
- Le premier « Oh le boloss, tu l’as déjà lu 10 fois en plus. Moi je pense que là je vais commencer la Théorie de l’évolution de Darwin »
-Le deuxième :  « Bin oui c’est ça t’as raison, je te mets au défi de lire 3 pages ! »
Pas de doute nos trois voyageurs savent parler littérature…

20 km encore plus loin, nous attaquons ce que nous avons acheté pour le déjeuner. Après cela, Vincent et Côme qui veulent se rassurer sur leur niveau futballistique décident d’affronter deux espagnols qui imposent leur style sur un mini terrain de foot. Le match est endiablé, les dribles s’enchainent et on assiste à un des plus gros France Espagne de tous les temps. Après 15 minutes de jeu, le score est de 3 partout et les parents de Javier, 8 ans et Mario 9 ans sifflent la fin du match en appelant leurs enfants à table. Décidemment, il va vraiment falloir se remettre à niveau avant de faire des passes sur les pelouses du Retiro. 
Encore 30 km et nous arrivons dans le centre-ville de Soustons. Au troquet du coin (Le bar basque), nous faisons la connaissance d’un autre cyclotouriste. Il s’appelle François, il a 55 000 kilomètres au compteur de son vélo et surtout, il a 77 ans. Nous partagerons notre dîner avec ce Charentais, Boucher Charcutier à la retraite qui laisse sa femme tous les ans pendant les 3 mois d’été pour parcourir les routes de France et d’Espagne. « Oh non ça ne la dérange pas, elle s’occupe du chien et moi je fais du vélo : chacun ses loisirs. » Sacré François !



77 ans, seuls les jeux de société lui résistent désormais! 
                               

Finalement nous décidons de camper en compagnie de notre nouveau pote François. Un orage plutôt solide se prépare et sous les conseils des locaux du bar basque du coin nous nous abritons au centre nautique de Soustons déserté en basse saison. Spot de rêve au bord du lac, des grandes tentes vides sont déjà montées et n’attendent que nous. Nous engloutissons le diner et filons nous coucher. Dehors le vent souffle fort et la pluie mouille salement, mais nous nous endormons bien au chaud auprès de nos vélos qui pour une fois ont le droit de dormir dedans. Grosse nuit, seulement interrompue par le bruit d’Alex éclatant, d’un coup de Bible bien senti, un insecte volant non identifié, une préparation à l’Afrique en quelque sorte ! Au matin la nature sèche paisiblement et nous nous éveillons en découvrant que François nous a ramené croissants et pains au chocolat pour nous donner la pêche. Sympa le François ! Nous remballons ensuite nos affaires et nous nous préparons physiquement pour la première étape du jour : parcourir les 500m qui nous séparent du bistrot de Soustons où François semble bien décidé à nous payer des godets. Nous nous attablons finalement tous les quatre autour de quelques cafés car admettons-le, la bière à 11h du matin ça fait pas sérieux. Notre curieux équipage attire l’œil de René un client du café qui discute 5 minutes avec nous. Intrigué par la présence d’un septuagénaire à notre table il finit par lui demander son âge et fronce les sourcils en apprenant la réponse : 77 ans comme lui… S’ensuit une épique chamaillerie entre François 77 ans et 55 000 km au compteur et René 77 ans ancien rugbyman et actuel pongiste (ping-pong tout ça tout ça) pour savoir qui tient la forme la plus étincelante. Les grosses vannes fusent sous notre regard enchanté et nous sommes finalement obligés de déclarer un match nul. Au bout du compte c’est nous qui sommes les plus impressionnés par ces deux grands père qui ont une pêche olympique. Ça donne des idées pour la suite !
On finit par dire adieu à notre François pour nous diriger vers Hossegor. Il était temps, notre vélo commençait (presque) à nous manquer ! Hossegor, temple de la coolitude : planche de surf, cheveux long et teint cuivré. A peu près l’opposé de notre style actuel : bronzage de cycliste, sandales à scratch et tâches de mayo sur le t-shirt… A l’aise comme des poissons dans l’eau quoi ! Sur la plage les sauveteurs beaux gosses ont hissé le drapeau jaune. Effectivement il y a des belles vagues et les surfeurs sont au rendez-vous. Qu’à cela ne tienne, Alex et Côme sont prêts à relever le défi et se décident à aller louer des planches. « Non mais oh ! On va voir de quel bois se chauffe La Grande Echappée ! »  Pendant ce temps-là Vincent prend son courage à deux mains et affronte seul les surfeurs d’Hossegor sur un front non moins délicat : le bronzage (en fait c’est une manière de dire qu’il n’a pas agité ses fesses de l’après-midi…)
Au magasin de planches la charmante Marilou calme les ardeurs de nos deux héros :
-          « Pour le moment les vagues sont un peu trop shortbreak, revenez dans une heure ça sera plus smooth 
-          Ah bon bah d’accord alors. »
 Heure utile au demeurant car elle nous a permis de découvrir les échasses landaises, sport typique de la région et qui fera l’objet d’un futur article sur ce blog (bande de petits veinards).
Finalement les planches sont louées, et Alex et Côme enchainent les vagues avec la vivacité du faucon et le courage du tigre. Rouleau arprès rouleau, vague après vague. Deux heures plus tard les surfeurs d’Hossegor sortiront de l’eau mi-dégoutés et mi-admiratifs, en affirmant je cite « 15 ans de surf et je n’ai jamais vu un tel style, chapeaux les artistes »

2 Guignols en terre inconnue
Le spot idéal pour sortir nos poubelles!
                                           

Nous remontons ensuite sur nos vélos pour une journée de repos bien méritée à Bayonne avant de franchir enfin notre première frontière qui nous attend depuis quinze jours. A Bayonne nous accueillent les grands parents de cette vieille branche de Sara, à nouveau nous sommes traités comme des rois… on va finir par s’habituer au luxe si ça continue ! La journée de pause à Bayonne se résumera finalement à regarder la pluie tomber par la fenêtre. Nous comprenons que pour notre court passage en pays basque français puis espagnol il nous faut revoir notre échelle de météo : lorsqu’il pleuviote au pays basque il faut considérer cela comme une journée de beau temps, lorsqu’il y a une éclaircie comme un jour de canicule. Nous reposons donc nos jambes bien au chaud, et nous rongeons un peu notre frein. Cela fait plusieurs jours que nous parlons du passage de frontière, il nous tarde de retrouver l’Espagne !

" Les Landes c'est vachement bien !
                                   

Restaurant 3 étoiles
 Le lendemain nous partons de bonne heure : objectif San Sebastian. Nous visitons au pas de course Bayonne, il pleut de manière abondante et c’est l’occasioin pour Alex d’exhiber son magnifique poncho de pluie qui lui donne un style inimitable (En écrivant ces mots je vois déjà Alex me dire :  « Vazy t’abuses c’est pas si pire »). Bref nous nous élançons vers l’Espagne sur une départementale assez moche mais qui a le mérite de nous  faire traverser ces villes qui sonnent comme l’été : Saint Jean de Luz, Ciboure,  Hendaye. Juste avant Hendaye justement nous quittons la départementale pour suivre une bien belle route sur la corniche d’Urrugne. Nous gravissons à 10km/h les falaises verdoyantes tombant sur une mer bien agitée, mauvais temps oblige. Au sommet de la corniche la pluie nous laisse un court répit et le ciel nous offre même un rayon de soleil, Ah tiens t’es toujours là toi ? A peine sommes-nous repartis que la pluie revient de plus belle nous caresser les extrémités. Nous trouvons refuge à Hendaye pour avaler notre traditionnel et gargantuesque déjeuner que nous nous permettrons même de terminer dans un parking pour nous abriter de la pluie et du vent.
Nous sommes désormais à 3 kilométres de l’Espagne, et ça c’est chouette. Nous passons la frontière une première fois sans nous en rendre compte puis revenons sur nos pas pour faire les guignol au pied du panneau (et oui on ne sort pas tous les jours de France). Nous voilà en Espagne, adieu la France. Douce France qui dans son désespoir de nous voir partir fait tomber sur nous une montagne d’eau qui mouille bien, sympa.




Le voyage commence ici, en quelque sorte.

 Nous connaissons bien l’Espagne mais nous galérons tout de même à nous orienter. Difficile notamment de faire le tri entre les routes communales, les routes départementales et les grosses nationales qui tachent. Nous nous trouvons donc tour à tour sur de minuscules chemins serpentant dans les collines pentues au mépris de nos cuissots fragiles puis sur des voies un peu trop expresses où les camions semblent passer bien près de nous. A cela s’ajoute une pluie qui ne diminue pas. Au bout de deux heures en Espagne nous sommes trempés et un peu paumés sur la route de San Sebastian. Bravo les explorateurs… Nous arriverons finalement à San Sebastian (vous voila rassurés) à la nuit tombante et ce sont trois éponges qui poussent la porte d’une petite auberge de jeunesse du centre ville. L’auberge est pleine de marcheurs des chemins de Saint Jacques de Compostelle, ça sent le sport dans le dortoir…. L’ambiance est donc assez sérieuse, mais aventuriers comme nous sommes et ne reculant devant aucun sacrifice nous décidons d’aller fêter notre arrivée en Espagne en allant boire des canas bien méritées. Nous retrouvons dans la rue un peu de l’atmosphère espagnole que nous aimons tant. Après quelques bières en terrasse notre moral est regonflé à bloc et nous rentrons à l’auberge dans la joie et la bonne humeur. Bonne humeur que ne partagent probablement pas nos colocataires marcheurs qui nous le ferons payer dès le lendemain matin en partant tous plus tôt les uns que les autres … Nous mais franchement qui à l’idée de partir marcher à 7h du mat, sous la flotte en plus ? Notre réveil est quant à nous plus tardif, plus lent et plus lourd. A midi nous sommes enfin dehors et nous tâchons de mettre de l’ordre dans nos idées pour savoir quelle direction prendre et comment éviter de se manger trop de ces collines basques qui grimpent sacrement. Nous mettons le cap vers le sud ouest et nous visons de camper autour de lacs que nous espérons accueillant. Nous voilà enfin on the road à un bon rythme malgré les côtes. A l’heure du déjeuner nous arrivons à Tolosa. Un certain Joanes accoste Côme dans la rue. C’est un cyclotouriste aguerri : 13 mois de l’Alaska jusqu’en Argentine …

                              
Chez Joanes, Côme hésite sur le lit à choisir
 Effectivement aguerri ne semble pas un adjectif exageré ! Joanes nous propose de nous accueillir chez lui et puis de faire tout ce dont un voyageur peut rêver : manger, doucher, laver, dormir, discuter. 15 secondes de réflexion plus tard et nous voilà assis dans la cuisine de Joanes. Avec lui c’est simple c’est « Faites comme chez vous tranquilo tranquilo ». Tranquilo donc nous l’écoutons nous raconter son voyage passé et lui nous écoute raconter notre voyage futur. De manière plutôt marrante chacun envie l’autre : nous rêvons de pouvoir dire « j’ai voyagé à vélo » et lui de pouvoir dire « je pars à vélo demain ». Mais Joanes est vraiment la crème de la crème ! Non content de nous nourrir/héberger/laverlesvêtements/laverlespiedsquipuent, il décide de nous faire découvrir la vie de Tolosa. A première vue la ville ressemble à toutes les villes basques que nous connaissons grise et verte, mais il semble qu’il fait bon vivre ici ! Nous finissons dans un improbable ciné-débat sur la place de l’automobile à Tolosa. Le débat est en basque ce qui nous permet de constater le fossé qui existe entre le basque et toutes les langues terrestres. Vincent ajoutera même dans une mauvaise blague « non mais quand ils écrivent sur le pc on dirait qu’il se sont endormis sur le clavier ».

En image, la blague du jour
                                      

Une très belle journée à Tolosa, tranquilo tranquilo donc ! Mais Joanes est vraiment la crème de la crème le soir il met en branle le réseau des cyclotouristes basques pour nous trouver un logement pour le lendemain. Aussitôt dit aussitôt fait, nous voilà attendu à Vitoria le lendemain par un couple de voyageurs super-aguerris (ça veut dire encore plus que Joanes).


Joanes en pleine explication de pelota mano
Avant de partir le lendemain Joanes nous indique l’itinéraire à suivre jusqu’à Vitoria. Très vite nous comprenons qu’aujourd’hui ça va grimper sec. Joanes a beau dire « c’est une bonne montée, vous allez suer un peu mais tranquilo tranquilo », quand c’est un mec qui a traversé l’Amérique du nord au sud qui te parle de bonne montée, ça fait flipper. Bref nous partons vers le fin fond du pays basque la fleur au fusil. Après 30km la montée commence. 10km de lacets pas trop pentus, nous avançons lentement mais nous avançons. Une heure plus tard nous franchissons la colline, que dis-je une colline ! un col ! une montagne ! un sommet ! Certes ce sommet culmine à quelques 652m (on y tient au « deux » hein !) mais c’est notre première montée longue et lente et ça se fête. Zou ! Œuf dur pour tout le monde, on a le sens de fête nous. Ceci fait il nous reste encore 70km à parcourir pour atteindre Vitoria. Nous avançons à notre rythme, ça continue à monter et à descendre « euskadi-style » . C’est un peu comme l’histoire de Sisyphe avec son rocher (ouais, ouais on est malades on place des références mythologiques). On monte, on monte on monte le vélo et on redescend et tout est à recommencer. Au bout de 80km dans les pattes on commence à sentir que nos jambes veulent nous dire quelque chose, on a l’impression de rouler sur du chewing-gum « malabar-style ». Après 110km de route nous arrivons à Vitoria, nous y retrouvons Aurora qui nous accueille pour la nuit. Aurora c’est comme Joanes mais en femme, la crème de la crème. Nous sommes traités comme des pachas. Elle nous prépare notamment une somptueuse platrée de pâtes en forme de vélo (il faut le voir pour comprendre le concept je pense …). Nous l’écoutons raconter ses histoires de voyages à vélo et sans vélo. Pour faire simple, son mari et elle ont voyagé partout. Mais quand on dit partout c’est vraiment partout. Ses histoires commencent toutes par « Au Vénézuela… » ou « En Afrique du Sud…. ». Très impressionant.  Surtout Aurora sait raconter ses voyages, simplement et sans chichis, ponctuant ses récits par la même exclamation « Fue una pasada ! », comprenez « c’était incroyable ». Du bonheur en boîte pour nous. On a l’air de quoi avec notre petit millier de kilomètres qui se bat en duel tout seul ?  Nous voilà donc sur le point d’aller nous coucher bercés par ces histoires de lointaines contrées, nos petits yeux se ferment et l’on arrive plus à comprendre trois mots de castillan. Le lendemain, c'est Ruben, son mari pompier qui nous réveil. Il revient de sa nuit de travail et nous offre le petit déjeuner. Comme sa femme, il nous noie sous ses histoires de voyages à couper le souffle et pour nous réveiller nous emène en ville visiter le quartier historique. Vers midi, il prend même l'une de ses innombrables "bici" pour nous accompagner hors de la ville. C'est au pied d'un nouveau col qu'il nous laisse enfin.
-"Porque si siguo con vosotros seguro que voy a sudar :)"


Ruben, pas bien grand mais d'une immense gentillesse 


Entre la Castille et les Pays Basques, la frontière est aussi dans le ciel.










Poitiers - Arcachon, sur la route des vacances


       Le réveil du Dimanche matin sonne la fin des réjouissances et le retour à la réalité du voyage, notre réalité, celle à laquelle il va falloir s’habituer cette année. De retour sur l’asphalte, dans le froid ce matin-là. Nous trouvons rapidement une piste cyclable longeant une départementale assez abominable, l’occasion de voir un peu de ce Poitou en faisant des détours monstrueux et parfaitement inutiles. C’est toujours après les avoir fait qu’on s’en rend compte. Puis la route devient belle et le soleil vient nous réchauffer la couenne, au grand damne de la nuque d’Alex encore bien rose. La route est assez plate, le vent faible et même si les tournesols font un peu la tronche en cette saison, le paysage est joli et nous on a le sourire. 




Un peu avant l’arrivée de l’étape nous croisons un panneau indiquant une réserve naturelle par un dessin d’une belle poitevine à la plastique avantageuse, il faut bien avouer que nous avons dû forcer un peu pour empêcher nos vélos de s’arrêter. Malgré tout, les rives de la Charente et un bon repas nous appellent. Il faut dire que ce n’est pas la nourriture qui nous manque le plus. Jamais nous n’avions mangé autant en une journée. Nous sommes pris par des fringales terrifiantes toutes les heures, après chaque côte, à chaque pause, chaque virage, tout le temps en fait. Heureusement nous découvrons les joies des commerces discount de campagne, des endroits féériques où pour 20 euros nous nous assurons au moins 2 énormes banquets dignes des scènes de fin des albums d’Astérix et Obélix.
            Pour revenir à cette jolie poitevine, ce n’est finalement pas elle qui nous a retenu pour la nuit mais  la belle Charente, et cette-fois ci, les esprits les moins tordus comprendrons qu’il s’agit d’une rivière. Une très jolie rivière d’ailleurs sur les rives de laquelle nous plantons la tente pour pas un rond à 50 mètres d’un camping. Nous réfléchissons peu sur nos vélos, mais lorsqu’il s’agit de trouver un endroit pour dormir gratuitement et festoyer, c’est vrai que nous ne perdons pas le nord. Pas de place pour les pigeons dans notre tour du monde. Chacun à ses occupations, guitare, lecture, pêche. Au moment de faire la vaisselle d’ailleurs, Côme sort sa canne à pêche (lui non plus ne perd pas le nord) et manque de peu un magnifique brochet qui trouvait sûrement l‘eau trop chaude dans notre casserole. Pas de chance cette fois-ci. 23h, dodo pour tout le monde. Poitiers-Ruffec, 85 Km.

C'est pas marrant tous les jours (pluie....)
        Le beau temps du lendemain matin sera de très courte durée. Très vite la journée vers Angoulême se transforme en cauchemar. Le vent de face se lève, la pluie commence à tomber, et ce que nous redoutions le plus, les premières belles côtes arrivent. Nous en apprendrons un peu plus dans la journée, à Hiersac, où nous rencontrons un type, au demeurant fort sympathique, qui nous indique qu’il s’agit en fait de « bosses ». La journée est dure, très dure. Le premier vrai test. On se dit que Saint Christophe, patron des voyageurs devait sans doute penser que la Grande Echappée, pour le moment c’était un peu de la roupie de sansonnet, des grandes vacances prolongées. Et bah mon vieux Christophe, 100 km plus loin, on est vivant, au sommet de la Charente, trempés et épuisés certes, mais tu nous as pris un peu pour des marionnettes. Du haut de notre colline, nous trouvons, haut-perchée, la maison de Annick et Patrice, (parentsdelapetitecopinedugrandfrèredevincent…OUF !), absents mais ravis de nous offrir le coucher pour ce soir. Le couvert est mis, les lits faits, nous sommes accueillis comme des rois. Ce soir-là nous nous autorisons quelques bières, ingurgitées sans scrupules. Le matin, nous trainassons longuement au lit, sachant que nous n’avons que 60 km à parcourir pour notre prochaine étape. Au moment de repartir, Vincent se penche pour ranger la clé dans sa cachette, soulève la pierre et tombe sur une énorme couleuvre de bien 70 cm. Côme, moins farouche que lorsque qu’il faut grimper une côte, prend son courage et le serpent à deux mains et nous offre un numéro de charmeur de serpents digne d’un cirque de campagne bas de gamme, mais amusant tout de même pour un départ d’étape. Pas sûr que le spectacle se reproduise face à un cobra en Inde.
Man vs Wild





















       J’oubliais, nous avons passé l’hémisphère sud de la France, un peu comme si nous avions mangé la moitié d’un petit quartier d’une grosse orange. Pour le moment nous le digérons bien, ce quartier. Revenons à nos moutons. Aujourd’hui, peu de kilomètres mais la topographie affichée sur la carte fait peur, nous nous imaginons revivre l’épisode de la veille. Les villages commençant par « Mont » nous effraient un peu. Montgayon, Montendre…Mont Dieu ! Finalement il fait beau et la route est relativement plate. Le vent de dos nous fait parcourir plusieurs kilomètres sur du plat à des allures vertigineuses, 27, 28,29,30… Wow ! Nous arrivons rapidement à Guître en Gironde, puis Les Sablons où nous plantons à nouveau la tente au bord de L’Isle. La rivière vit déjà au rythme des marées, les rives sont vaseuses. La mer n’est pas loin !




Photo en créneaux de muraille
C’est la ville de Bordeaux qui marquera notre dernière étape avant le littoral et le début des vacances. Nous parcourrons les 70 km qui nous séparent de Bordeaux assez rapidement, le vent est faible et les côtes assez rares. L’occasion d’observer les premiers vignobles aux noms que nous avons l’impression d’avoir déjà entendu dans des discussions de prétendus fins œnologues (Pessac, Haut Brion, Grave…). Nous passons la Dordogne puis la Garonne, tumultueuse et évoquant déjà le Gange ou le Mékong par leurs couleurs sombres et leurs courants puissants. Enfin nous arrivons dans le Quartier de Caudéran, à l’Ouest de Bordeaux où nous sommes reçus chaleureusement par Jacqueline et François, famille d’Alex.
Nous lui offrons sur un plateau un sac de linge dégageant une effroyable odeur de renfermé, mais Jacqueline, sans broncher nous en ressort une pile d’affaires parfaitement pliées. Nous troquons notre vieille popote de scouts pour une porcelaine impeccable. Décidément, nous sommes reçus comme des rois. Le soir même, Côme s’en va rejoindre sa tante Miriam et son oncle Yves pour diner à Talence. Nous nous rejoignons vers 23h pour commenter nos délicieux repas.

Petit déjeuer de roi 





Alex faisant un 360-backflip-hardcore-kickflip au skatepark de Bordeaux




        Le lendemain nous retournons sur nos pas dans le centre de Bordeaux pour y faire un petit tour. Les quais récemment aménagés, la rue sainte Catherine,  la cathédrale, les petites rues commerçantes, cette ville nous plait, à l’unanimité. Avant de partir nous ne résistons pas à un petit Kebab (à 2 euros, il faudrait être fou pour n’en prendre qu’un), puis nous filons vers Arcachon. A presque 30km/h, nous traçons sur une route plate, trop pressés d’y être. Peut-être un peu trop d’ailleurs, deux fois nous manquons de percuter des voitures en ville car nous roulons trop proches et parfois nos sacoches s’entrechoquent. C’est une leçon que nous retiendrons pour la suite.
Déjà les panneaux commencent à sentir les vacances. Arcachon, Lacanau, le Cap Ferret, Pyla sur mer… Nous débarquons à 17h à Arcachon pour une première halte sur l’embarcadère. Il fait un temps breton, pas très gênant mais peu agréable pour notre arrivée sur la côte. Nos filons vite vers la dune du Pilat que nous voulons voir avant de monter le camp. Le temps de ne s’est pas arrangé, il empire même. En haut de la dune, nous restons une demi-heure à contempler d’un coté les kilomètres de forêt des landes qui, avec ce brouillard, rappellent la forêt amazonienne, et de l’autre le bassin et le banc d’Argain.
Arrivée sur la côte... mouillés mais heureux !




Je te jure il pleuvait avant
         Il nous faut alors monter le camp, trouver une clairière dans la forêt à peu près cachée du passage des voitures. Nous mettons presque une heure à y parvenir. Heure pendant laquelle nous tentons des chemins de sable sans issue, nous sonnons à la porte de vieilles cabanes glauques au possible où seul l’aboiement d’une meute de chiens nous répond. Une heure pendant laquelle la pluie s’intensifie et aucun spot ne semble pouvoir accueillir nos tentes. Finalement nous trouvons une petite clairière abritée, pas trop mal. Mais la pluie continue, il faut monter en vitesse le camp, construire un toit pour diner avec les arbres, quelques tendeurs et notre bâche. Heureusement que William Saurin, Ses saucisses et ses lentilles sont là pour nous consoler. Ce soir-là, nous débouchons aussi une bouteille de rouge. Nous nous persuadons que celle-là aussi nous l’avons méritée.

       Le lendemain ce sont les plages de Biscarosse qui nous attendent.


Alex en plein casting pour Camping 3 au camping des Flots Bleus (oui oui on est passé devant !)
Côme en plein casting pour une pub William Saurin

Les premiers jours en bref ... (ou pas)

                              
                               Jour 1 : Notre Dame de Paris – Orphin : 81km

Il est beaucoup trop tôt à ce moment là

       Il est 6h15 ce lundi 2 septembre, le réveil sonne pour nos trois cyclistes en herbe. L’heure a sonné :  il faut maintenant monter sur les 15 cm² de selle sur lesquels tout va reposer. Il fait encore nuit dehors, on a mal dormi, on est un peu fébrile au moment d’enfiler notre short et notre t-shirt (qui représentent environ 50% de notre garde robe pour l’année…). Il y a comme un parfum de rentrée des classes dans l’air aujourd’hui : des affaires toutes neuves, une petite pointe de stress et un …
Un bol de chocapic englouti et nous nous elançons vers Notre Dame, pour un départ symbolique du kilométre zéro de la France (et oui ca fait quand même plus sérieux qu’un départ  de la banlieue sud de Paris). Sur le parvis de l’église les familles sont au rendez-vous pour agiter le mouchoir blanc. Embrassades, photos, re-embrassades, re-photos, faut bien avouer que le stress monte encore un peu… On est tous les trois un peu tristes et on se demande si finalement on serait pas mieux à rester à paris quelques mois de plus … Allez juste une semaine ou deux ….

Photo de classe 2013 -2014

       A 9h les cloches sonnent, il faut y aller dans la joie et la bonne humeur. On monte en selle, premier tour de pédale et voilà le travail ! Nous voilà descendant vers le sud de Paris, puis la N20 (pas le paysage du siècle il faut bien se l’avouer). On est tout content, on grille 3 feux rouges, manquons de nous prendre des voitures mais c’est pas grave nous voilà lancés à la vitesse fulgurante de 15km/h. A Antony on retrouve les pères et frères qui ont gentiment décidés de nous accompagner sur les premiers kilométres de cette première étape. On avance dans la banlieue sud direction Rambouillet. La première côte nous surprend un petit peu …. « Ah  oui c’est vrai le vélo quand ça monte, c’est dur ? ». On repense à notre entrainement intensif des dernières semaines : bières, soirées avec les copains, grosses bouffes … A bloc quoi ! Sur la route le père d’Alex se permet le luxe de sauver un bébé faucon, la Nature nous le rendra peut être ? Enfin ça serait chouette (premier jeu de mots moisi d’une longue série). Au fin fond de la vallée de Chevreuse (terminus de la bien aimée ligne de RER B que nous quittons pour quelques mois), c’est la séparation finale avec les proches ! Heureusement cela se passe autour d’une entrecôte de 250g, comme quoi rien n’est jamais perdu.
Nous voilà donc tous les trois sur la route, on continue à notre petit rythme. Une pause-sieste au château de Rambouillet puis on repart vers Orphin un charment patelin au bord de la Drouette (ah super.) pour y poser notre premier campement. On décide finalement de planter la gitoune dans un champs de blé perdu au mileu d’autres champs de blé. Le premier moment de repos tous les trois se passe dans une ambiance colo de vacances, c’est vrai qu’au fond on a juste l’impression de partir pour un week-end camping ! Côme nous fait voir l’étendue de ses talents de pisteur-trappeur en repérant des chevreuils paisiblement planqués dans les fourrés. Il recevra par la suite le doux patronyme d’Oeil de lynx. A 22h après une bonne plâtrée de pâtes au pesto, extinction des feux.
Le périple a commencé !




Jour 2 : Oprhin au bord de la Drouette – Douy au bord de l’heure : 102km

     Reveil tardif à 8h30 (dorénavant se lever à 8h30 c’est une grasse matinée et ça ça fait pas plaisir à Vincent). Quelques animaux se baladent, quelques randonneurs font de même, nous on s’extirpe hors de la tente (oui car on ne sort pas d’une tente, on s’en extirpe comme un bigorneau de sa coquille). Premier bilan de la nuit : les tentes c’est petit, les tapis de sol c’est bien et les sac de couchages c’est pas mal. Alex et Vincent ont passé une première nuit d’ivresse dans la même tente. Deuxième bilan de la nuit : les jambes ça va, les fesses moyen et le moral est au top. On décide de se mettre en route, on fait les sacoches, on les défait, on les refait, merde on a oublié le réchaud, on défait les sacoches, on les réfait, qui a pris la crème solaire, on defait les sacoches on les refait. Bref depart dès potron minet à 11h ! Le tour du monde nécessite encore quelques menus réglages !
Nous voila partis plein sud. Les premiers kilométres sont un vrais bonheur, on bombarde à 26km/h, le vent dans le dos. Easy le tour du monde en fait. On passe plusieurs patelins aux noms enchanteurs : Gallardon, Ecrosnes, Umpeau (« ha ha t’as fait ta déclaration », blague la plus mauvaise des trois premiers jours). On checke tous les cimetières du coin pour recharger en eau. Ca avance bien quand même aujourd’hui ! Goudron impeccables, routes plates comme une autoroute. Le paysage nous apprend la patience : un champs, un champs, un patelin, un champs, un patelin …

Après une petite centaine de kilométres (et une modeste erreur d’orientation) nous approchons des bord de l’Eure. On décide de planter le campement  sur les rives au milieu d’une espèce de forêt vierge . Moustiques, araignées, trucs chelous … Bon encore quelques progrès à faire avant la Tanzanie ! Côme sort sa canne à pêche, on mange finalement une salade de tomate ! Découverte notable de la journée, la vélo ça creuse énormement et même Vincent (67kg tout mouillé) se découvre un appétit que ses compères qualifieront de correct. 22h 30 après une petite douche dans l’Eure pour préserver un minimum d’hygiène dans la garnison, les lumières s’éteignent et nos petits cyclistes s’endorment rêvant de nouvelles aventures peuplées de champs et de petits villages de notre douce France …

A la folie ... passionément ! (blague d'Armelle)


Suite des aventures ...

      Et c’est déjà le matin du troisième jour. Nous levons vite le camp. Avant de retrouver le goudron, nous payons l’aventure de la veille en regrimpant  avec peine un long chemin de pierre que nous avions descendu la veille. Cette fois c’est avec moins d’aisance. Nos chars d’assaut font moins les malins en montée. Le réveil est brusque mais efficace. Un bref coup d’œil à la carte, un coup de crème solaire, un coup de fouet et c’est reparti. L’asphalte retrouvé, les kilomètres s’enchainent. Un village, deux villages… puis une départementale qui nous mènera tout droit jusqu’à Blois. Peu de pause, peu de kiffe, il fait chaud et on a décidé de vite en finir avec cette Beauce que nous connaissons déjà trop bien. A Blois nous descendons la rue piétonne en slalomant entre les blesenses (habitants de Blois, si si !) et nous atterrissons finalement sur les chaises du subway (le fast food !, Blois c’est grand mais pas trop quand même). C’est le premier arrêt « connexion » de l’aventure : électricité, internet et ravitaillement nous sont offert en échange de deux tickets resto que Côme avait su glaner avant le départ. Nous sommes hors budget mais le kiffe est complet. Vincent et Côme se reposent et posent sur le papier leur premières impressions et Alex lui ne tient pas en place. Il se lance dans la visite de Blois, ville chargée d’histoire que ces deux compères découvriront sur l’appareil photo du groupe. 


17h : assez trainé, nous sommes attendus au château ! Bon, malheureusement l’ami de Côme n’est pas là et nous ne profiterons pas des grandes salles de cette grande bâtisse. Mais le jardin (ou plutôt le domaine) suffit à nous combler : piscine, eau courante, verger et grande terrasse nous accueillent à bras ouverts pour ce qui reste la meilleure soirée de la semaine. Et nous sommes aussi ravis d’échanger quelques mots avec le gardien  des lieux, un certain Fabrice fort sympathique qui nous offre porte-drapeaux et mieux encore : deux rouleaux de papier toilette… C’est la première vraie rencontre du périple et nous sommes contents. Merci Fabrice !
La vie de château !



Beaux gosses, sur les bords de Loire
Jeudi est une journée particulière. Aujourd’hui nous ne roulerons pas seuls puisque nous roulons sur les bords de Loire. Il fait beau, nous roulons doucement et c’est bien ! Rien ne nous différencie des autres cyclistes à part peut-être une vingtaine de kilos en plus pour nous et un rythme promenade plus prononcé pour eux. De belles pistes cyclables, puis des châteaux : Chaumont sur Loire, Amboise… C’est aussi l’heure des premières frustrations. Amboise se trouve au sommet d’un haut rocher que seules des marches permettent de gravir. Nous ne visiterons pas car c’est un peu compliqué avec les vélos (raison officielle). Et puis on a grave la flemme (vraie raison). D’un commun accord, on se dit que des gros casse-dalle sur les berges de la Loire et un petit plouf, c’est pas mal non plus. Puis fini les châteaux, on en a assez vu. 


Direction plein sud vers Loche qui coupe en deux l’étape vers Poitiers. Les 40 km et quelques se font bien même si nos jambes commencent un peu à accuser le coup. Contents d’arrivés quand même et puis Loche, ce n’est pas trop mocheJ. On découvre que si la Loire a le monopole, les châteaux de l’Indre ça existe aussi et que ça vaut le détour. Le soir, nous faisons une toilette sommaire dans l’Indre puis avalons une grosse plâtrée de riz à sauce bolognaise (produit ALDI à 70 centimes). Le gout n’est pas merveilleux mais la quantité est au rendez-vous et c’est la peau du ventre bien tendu que nous prenons le chemin de nos tentes.
Réveil matin 7h30… nous ne nous réveillons pas comme des fleurs. Il fait gris et en perspective, au moins 100km à s’engloutir pour atteindre Poitiers. Avant cela, on s’attaque au reste de riz de la veille. C’est gluant mais… appétissant. Et surtout ça nous aidera à surmonter la première vraie épreuve de la semaine : un départ sous la pluie. Ce matin-là, on améliore considérablement notre temps de décollage. A peine 1h contre au moins deux heures les jours précédents. La suite de la journée se passe de commentaire. Une campagne grise et peu avenante. Certes, c’est le début du Poitou mais ce n’est pas sur la route de Châtellerault qu’ont été prises les photos faisant la renommée de la région. A midi Alex à mal au genou et s’inquiète. Heureusement, le jour suivant c’est repos et ça devrait permettre de repartir sur de bonnes bases. L’après-midi passe lentement et un seul point d’intérêt pointe le bout de son nez au loin dans la grisaille : Les grandes installations du Futuroscope qui nous donnent un instant l’impression d’être de retour à la Défense. Encore quelques kilomètres et nous voilà à Poitiers ou nous attendent un appartement bien confortable et surtout une literie digne de ce nom. Magali et Damien ont eu la gentillesse de nous laisser les clés de chez eux pendant leur absence. Alex retrouve sa bien-aimée et Côme et Vincent glandouillent comme des princes avant d’entamer un énorme gueuleton salvateur chez les oncles et tantes de ce dernier. Le kiffe est tombé sur cette charmante ville de Poitiers…