Nous vous avions quitté la semaine dernière à quelques kilomètres
de la frontière entre la Lituanie et la Pologne, c’est donc
logiquement ici que nous reprenons notre récit. Après les pays
baltes tout aussi charmants que riquiquis, nous attaquons la
traversée de la Pologne qui, à bien y regarder, est tout de même
un beau morceau. Nous nous réveillons dans cette station de routier
un peu glauque perdue au milieu de la campagne. La veille nous avions
planté les tentes sur une mince bande d’herbe détrempée, petit
oasis vert entouré d’une marée de 38 tonnes polonais, un
emplacement qui fera partie de notre sélection officielle pour le
spot de camping le plus nul du voyage.
|
Home sweet home |
Un regard vers le ciel suffit
à nous faire comprendre que la journée va être longue, des nuages
gris et noirs peuplent notre horizon. Nous passons la matinée à
mettre à jour ce satané blog en regardant la pluie tomber sur le
bitume. A 14h nous voilà fin prêts à partir, le moral dans les
chaussettes. Il fait froid et ça mouille, bienvenue en Pologne !
La journée se passe comme prévu, les camions viennent régulièrement
nous asperger d’eau en roulant dans les flaques, le vent s’infiltre
sous nos k-way pendant que nous roulons vers des cieux meilleurs.
Qu’est-ce que c’est insupportable de rouler sous la pluie, cette
bruine désagréable qui nous glace les membres et nous fouette le
visage ! Les kilomètres défilent toujours, lentement,
lentement, lentement.
|
Un jour comme les autres en Pologne |
A la tombée de la nuit
nous atteignons la ville de
Biala Piska
où nous voulons planter notre tente. Nous sommes bien
fatigués par cette journée de sale temps. Il est 21h passée, nous
nous écartons de la ville pour trouver un champ libre. Sur le chemin
nous apercevons une maison encore allumée, allez tentons notre
chance… La chance souriant toujours au voyageur, nous tombons sur
Marek et Aschka qui, après une minute d’hésitation bien
naturelle, nous ouvrent les portes d’un sous-sol 3 étoiles, et
d’une douche chaude. Est-il possible de ressentir une meilleure
sensation que de rentrer se réchauffer après une journée sous la
pluie ? Nous voilà donc attablés autour d’un grand bol de
café avec l’ami Marek. C’est un drôle de personnage que ce
Marek, petit mais costaud. Les yeux bleus le crâne rasé, le visage
marqué, il faut bien le dire il ressemble un peu à un bandit de
grand chemin. ! C’est un taiseux Marek, pas du genre à
raconter sa vie (d’autant qu’il ne parle pas un mot d’anglais
et nous pas un mot de polonais…). Nous essayons de communiquer un
peu, Alex balance quelques phrases en allemand qui font grand effet
puis le silence revient... Nous finissons par boire notre café
religieusement, par petites gorgées, en profitant de notre chance de
dormir bien au chaud ce soir encore. Nous avons une reconnaissance
infinie pour tous ces Mareks et Aschka rencontrés sur la route. Ceux
qui ne nous connaissent pas d’un poil, qui ne sont même pas des
amis d’amis, ni de la famille ni des sympathisants du vélo . Ceux
qui ont un mode vie à mille années lumières du notre. Ceux pour
qui notre présence chez eux est aussi étrange que si des martiens
avaient débarqué et qui pourtant nous ouvrent leur maison alors que
nous sommes crasseux, puants, mouillés et qu’il est 21h30 !
Ah ce soir là chez Marek nous voulons rendre hommage à ces
auvergnats qui sans méfiance nous ont abrité pour une nuit !
Ces Marek de Biala Piska, Fernando de Tres Cruces, Catherine de
Bigand, Kathy et Ricardo de Tofo, le père Luigi de Mae San et tous
les autres chez qui nous avons sonné un soir de galère. Il n’est
pas donné à tout le monde d’accepter d’accueillir sans hésiter
trois étrangers chez soi. Et à chaque fois, une fois dans notre
sac de couchage nous ressassons la même question, et nous est-ce que
l’on aurait ouvert notre porte si des inconnus avaient sonné un
soir ? Hum…
|
Nos sauveurs du jour: Marek, Aschka et Doria |
Bref ce soir là vous
l’avez compris nous signons une trêve avec la Pologne. Elle est de
bien courte durée ! Dès le lendemain la guerre reprend en même
temps que le réveil sonne (le salaud) et nous repartons sur la route
après une dernière séance café-silence dans la cuisine de Marek.
La pluie est toujours là et à cela s’ajoute le vélo d’Alex qui
se met inexplicablement en grève après 500m et ne veut plus passer
de vitesse. Nous mettons nos trois brillants cerveaux sur le coup
pour machiner une réparation à la Mac Gyver dont le résultat est
plutôt décevant : « bon bah le mieux Alex c’est
que t’essayes pas de changer de vitesse jusqu’à Varsovie ».
Et toujours cette grisaille et cette bruine qui nous poursuit. Et la
journée ne va pas en s’améliorant, après une dizaine de borne
nous nous perdons misérablement dans les champs. Nous voulons faire
les malins à prendre des petites routes-raccourcis et nous finissons
embourbés dans des chemins de sable. On dérape, on descend, on
pousse, classique. Vincent, que quelques mois en Asie bouddhiste ont
beaucoup apaisé, déverse un torrent d’insultes sur la campagne
polonaise. Mais il faut bien le comprendre aussi, le nez sur la carte
et le gps, il ne saisit pas comment on a pu trouver une plage au
milieu du continent. C’est la Pologne qui a commencé ! Nous
finissons encore une fois par sortir du traquenard vivant (ouééé
bravooo). La journée se poursuit, nous déjeunons frigorifiés sous
le porche d’une église et des pépins physiques commencent. Le
genou de Côme grince et le talon de Vincent couine, l’heure des
tendinites aurait elle sonné ?
Mais qu’importe tous les
problèmes, aujourd’hui est un grand jour, l’entré en lice de la
France dans la coupe du monde. Il faut bien se dire que nous ne
vivons que pour ça depuis 3 jours. Côme aurait même confié aux
média « je pense à Karim Benzema tous les kilomètres ».
Les dérailleurs pourris et les articulations moisies ne nous feront
pas dévier de notre objectif : trouver un bar pour 21h. Nous
échouons finalement dans un restau routier parfaitement confortable
et, tels des Apaches, nous nous mettons à l’écoute des signes :
« le ciel se dégage, le vent se calme, hum Karim marquera ce
soir ». Le stress est palpable dans le bar malgré
l’indifférence générale des collègues polonais accoudés au
zinc, Côme en patriote fidèle installe sa tour Eiffel miniature sur
son drapeau tricolore miniature sur la table histoire de se
rapprocher de la maison. La suite vous la connaissez la France
enchaîne les buts et nous les pintes. C’est passablement éméchés
et totalement réconciliés avec la Pologne et les polonais que nous
allons nous coucher dans des tentes plantées à l'arrache au pied du
restau. Il fait beau au petit
matin ! Le soleil brille ! Nous sommes à quelques dizaines
de bornes de Varsovie et le moral revient (en fait c’est simple
pour savoir si on va bien il faut juste regarder la météo en
Pologne et Allemagne pour les prochains jours). Nous trouvons un
magnifique lac sur la route pour faire la sieste puis nous mettons le
cap droit sur la capitale.
A Varsovie c’est une fois encore un hôte
du site warmshower, Jagoda (ça veut dire myrtille d'ailleurs) qui
nous accueille, la communauté des cyclistes fonctionne à plein
régime. ! Jagoda a 21 ans, étudie la culture iranienne à la
fac et a un lapin dont on n’a pas compris le nom polonais mais
qu’on a baptisé Pan-pan. Nous passons la soirée avec elle et ses
amis sur le toit de son immeuble et nous procédons à une
dégustation de vodka polonaise jusqu’à bien tard… Ici nous
décidons de prendre une journée de pause, nécessaire et
probablement même indispensable. Nous avons pédalé quasi non-stop
depuis Helsinki et nous pétons légèrement un boulon. Nous le
savons, nous n’avons pas beaucoup de temps pour rejoindre Paris à
l’heure. Nous soufflons donc un peu, le temps de remettre en état
les muscles et les vélos. Le temps sur Varsovie est magnifique et
nous fait voir la vie du bon côté.
|
Warsaw beach |
|
Sweet life |
24h plus tard nous
repartons sur la route, à la sortie de la ville nous amenons le vélo
d’Alex faire une ultime répération dans un magasin tenu par des
vrais amoureux de la bicyclette. L’accueil y est merveilleux
« prenez des donuts et du café et allez faire une sieste dans
l’atelier si vous voulez ». Nous apprenons par ailleurs que
certains malades du ciboulot font la course Londres – Istambul
(2600 km) en 7 jours. Quelle horreur, rien qu’à y penser on en a
la nausée ! Puis nous quittons Varsovie et nous retrouvons le
train-train de la campagne polonaise. Nous continuons de jouer au
scrabble avec les noms de villes (Warszawa, Sochaczew, Zduny
...d’ailleurs le saviez vous : en Pologne la lettre la plus
chère au scrabble est le Q). Le soleil brille toujours et donne aux
champs de blé une belle couleur dorée. Nous bivouaquons en
regardant le soleil se coucher à l’ouest, nous montrant la
direction à suivre jusqu’à Paris.
|
Avec Jagoda la myrtille |
Mais le bonheur est
souvent de courte durée, dès le lendemain la grisaille reprend le
dessus. D’ailleurs nous l’apprendrons quelques jours plus tard,
en juin en Pologne il y a autant de jours de pluie que de jours de
beau temps. Ce qui explique finalement que l’on se tape du temps
moisi, du coup promis j’arrête de me plaindre. Si les pays baltes
étaient bleus et verts, la Pologne elle nous apparait jaune et
grise ! Pire que les nuages partout c’est le vent d’ouest
qui décide de se lever contre nous. Un satané vent soufflant bien
trop fort en plein dans notre tronche. Nous espérons d’abord que
ce ne seront que quelques rafales… mais non ! Nous voilà
obligés de rouler en formation serrée. Tel des vrais petits
coureurs du tour de France nous formons un peloton et nous prenons
nos relais avec application. Contador, Froome attention on
arrive à toute allure ! Comme dit Alex : « bah dis
donc ils ont bien fait d'installer des éoliennes partout dans ce
coin ».
|
Ou bien Alex a grossi ou bien il y a du vent ici... |
Nous finissons la journée dans un sale état, le vent
qui bourdonne dans nos oreilles en permanence nous fatigue presque
autant qu’il nous ralentit. La pluie qui nous mouille toutes les
deux heures finit de nous achever. Comme d’habitude notre moral
fait le yo-yo et ce soir c’est plutôt vers le bas. Nous squattons
sans enthousiasme le green impeccable d’un terrain de golf pour
planter nos tentes, mais le cœur n’y est pas. Le jour suivant
l’histoire est la même, à peine réveillés, nous entendons le
vent qui vient faire flap-flap sur la toile de la tente. Le vent n’a
pas tourné, quel misère… Nous déprimons dès 8h du matin, ce qui
est une heure bien trop matinale pour être triste ! Le rythme
reprend, tous les 15km l’un de nous vient prendre la première
place de l’escouade et se faire écraser par les bourrasques. Il y
a au moins un avantage dans notre malheur, nous ne sommes jamais
perdus, il nous suffit de suivre la direction contraire à celle du
vent pour savoir quelle route prendre. Nous finissons nos journées
plus fatigués que d’habitude, le vent nous tend, nous crispe et
nous rend nerveux. La pause qui s’annonce dans quelques centaines
de bornes à Berlin nous permet de garder le cap.
|
Source d'énergie inépuisable |
|
Sources d'énergies épuisées |
Ce soir là nous
avons encore un ami de chez Warmshower qui nous attend dans le petit
bled de Mosina, cela nous permet d’alterner tous les trois ou
quatre jour de bivouac avec une nuit au chaud. Aujourd’hui c’est
Maciek qui nous accueille dans la maison familiale. Il a 24 ans et
s’apprête à partir pour une aventure de 6 mois autour de
l’Europe. Il part le 10 juillet, un jour avant notre retour, et on
lui souhaite bon courage sur la route ! Nous parlons vélo et
équipement bien sûr, même si il semble déjà bien plus calé que
nous sur la question ! Nous apprecions l’accueil qui nous est
donné dans toutes ces maisons ! Par ces temps de pluie c’est
essentiel pour nous de pouvoir profiter d’un endroit chaud de temps
en temps et de rencontrer d’autres gens que notre petite équipe !
Encore une fois le rayon de soleil de notre journée c’est le match
de l’équipe de France (que voulez vous on ne se refait pas !).
Maciek nous installe dans son canapé à côté de son père déjà
aux avants poste devant la télé. Le père Maciek ne parle pas
l’anglais mais il comprend très vite qu’il a plutôt interêt à
supporter les bleus ce soir. Nous gagnons donc un sympathisants qui
s’exclame en même temps que nous à chaque but. Nous sommes
bienheureux dans cette chaumière familiale à profiter du petit
bonheur d’une soirée plateau-télé…
|
Avec la familled e Maciek |
|
Le coupe-vent du jour |
Repartir toujours
repartir, voilà un mot qui nous sort par les trous de nez et
pourtant il faut bien rentrer à la maison. Nous sommes un peu au
bout du rouleau ces derniers temps. Nous comptons les jours qui nos
séparent de Berlin puis de Paris. Le vent est toujours là et
d’après le bulletin météo de Maciek les choses ne vont pas aller
en s’améliorant ! Sur la route comme chaque jour, un seul
jour de repos en 18 jours c’est bien trop peu ! Maciek nous
vante cependant les beautés touristiques de la régions : « alors
il y’a ce château sur une petite île dont on n’accède que
quand l’eau est gélée et cette statue du Christ à quelques 100km
plus grande que celle du Christ Rédempteur à Rio». Allez va pour
la statue de Jésus puisqu’elle est sur la route. Finalement tout
nous ramène au Brésil ces derniers temps. Après une nouvelle
journée à avancer contre le vent et la pluie nous échouons dans
une sympathique station-service de routier où nous passons la nuit.
C’est peu glamour mais c’est tout ce qu’il nous faut : un
endroit chaud, de l’eau ,une pelouse, internet, la télé. Nous y
rencontrons deux routiers polonais un poil ivre avec qui nous
discutons un moment. « Je suis à Paris dans 3 jours, je vous
emmène ? ». Mon dieu, quelle courage nous faut-il pour
refuser ! Il serait si simple de mettre les vélos à l’arrière
et de dire au vent d’aller se faire entendre ailleurs… mais non…
|
Un saut par Rio de Janeiro |
|
Neymar au Brasil priant pour la coupe du monde |
Enfin bon à force de
faire du vélo tous les matins on finit par avancer ! Petit à
petit nous approchons de la frontière avec l'Allemagne et nous
finissons par la franchir. Après un détour culturel à la statue
méga-géante du coin nous disons au revoir à nos amis polonais.
Comme pour notre premier jour en Pologne, ce sont des averses
pantagruélique qui s'abattent sur nous. A la première pluie nous
nous abritons dans une station-service, à la deuxième nous hésitons
et à la troisième nous ne nous posons même plus pas la question
et nous roulons. Finalement une fois qu'on est intégralement mouillé
ça va, c'est un peu comme aller à Aquasplash en fait. Bref nous
entrons en Allemagne en traversant le fleuve de l'Oder qui marque la
séparation entre les deux pays. L'Allemagne voilà un pays qui sonne
comme la maison !
|
Allez on rentre à la maison bientôt |
|
La frontière avec l'Allemagne |
C'est un peu comme si on arrivait chez des
cousins, nous exhumons de notre mémoire les quelques mots
d'allemands que nous connaissons, histoire de faire bonne figure.
Pour notre première nuit ici nous cherchons un endroit où planter
la tente près du village de Petershagen. A quelques mètres à peine
de la route nous découvrons un petit lac, bordé d'une plage de
sable sur lequel se dresse un terrain de beach volley et quelques
tables de pique-nique. Nous lisons la pancarte :Camping
verboten. « Verboten, verboten... je crois bien que ça veut
dire bienvenue non ?». Effectivement au petit matin le
propriétaire des lieux nous souhaite la bienvenue en nous flanquant
dehors illico presto ! Peu importe nous avons passé une soirée
bien agréable et plus que 70km nous séparent de Berlin. Nous les
parcourons avec enthousiasme.
|
La guerre du feu |
En Allemagne les pistes cyclables
fleurissent de partout, et gare à toi si tu ne te trouves pas dessus
avec ton vélo, on ne rigole pas avec ça. Enfin nous franchissons la
Spree et entrons dans la ville qui ne dort jamais (enfin c'est moi
qui ça, je sais pas trop si c'est vraiment ça qu'on dit de Berlin).
Côme s'en va de son côté retrouver son pote d'enfance Félix
tandis que Alex et Vincent s'en vont retrouver la bonne vieille
Bérénice dans son appartement de hippies berlinois, histoire de se
reposer un peu.
Ainsi s'achève la
traversée joyeuse de la Pologne, on l'on parle beaucoup météo et
coupe du monde mais où l'on rencontre aussi des bons copains. Avant
de partir on nous avait dit que le premier kilomètre était le plus
dur mais on avait oublié de nous signaler qu'entre le 15580ème et
le 16312ème c'était pas facile non plus !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire