Nos derniers jours
à Ilha de Moçambique sont placés sous le signe du repos, du farniente comme
diraient nos voisins italiens (= « ne rien faire du tout »). Nous
profitons de la plage, du soleil, de cette petite ville où tout le monde se
connait. On nous demande de nos nouvelles régulièrement.
-Alors Côme, cette
malaria ça va mieux ? TudoBem ?
La nouvelle semble
avoir fait le tour du village. Du moment qu’elle ne fait pas le tour du monde
avec nous, tout va bien. Et puis notre grand invalide se remet peu à peu sur
pied. Si la balance affiche toujours une perte de 6 /7 kilos, l’appétit
revient. Il va même jusqu’à tenter les bulots que lui propose un petit vendeur
de rue ! Et alors que nous discutions avec un type sur le trottoir, celui
–ci nous offre sa plus belle poésie.
-Regardez ces
bulots les garçons, vous voyez celui-ci n’a pas la même coquille que celui-là.
Pourtant, le mollusque à l’intérieur est le même. Finalement, avec les blancs
et les noirs, c’est un peu la même chanson. Nos coquille sont différentes, mais
la ptite bête à l’intérieur est bien là même non ?
Chapeau l’artiste,
t’as gagné ta place dans le blog !
Côme a sa sortie de l'Hopital, bien maigrichon |
Vue des toits a Ilha des Mocambique |
Vient ensuite le
moment de quitter cette ile qui n’a su nous laisser indifférents. Nous
décidons de prendre un chapa (un bus
local) pour gagner Nampula et éviter un trajet que nous avons déjà fait à vélo
et ainsi gagner du temps. Et puis de toute façon Côme est encore incapable de
faire deux coups de pédale. Nous attendons des heures des bus qui ne viennent
pas. La chaleur est écrasante, nous commençons à nous impatienter lorsque surgit
de nulle part un pick-up conduit par un
portugais qui vient se ranger devant nous. Notre ami accepte de nous amener
jusqu’à Nampula pour pas un rond. Une aubaine. Nous restons ébahis devant tout
ce confort que nous n’attendions pas.
-
Côme, ferme ta fenêtre il a mis la
Clim’ !
-
La quoi ?? !
C’est ainsi que
nous atteignons Nampula, grâce à ce sauveur sans qui nous aurions commencé à
perdre patience. La 3ème ville du pays n’a absolument aucun intérêt
si ce n’est qu’elle nous permet d’y trouver une connexion internet et tout ce
dont nous avons besoin pour nous nourrir et nous loger. Parlons-en de ce
logement. Ingénus que nous sommes, nous nous ruons dans une petite pension à 2 km du centre qui n’effraie pas trop notre
budget. L’endroit semble paisible, voire même agréable. Nous pouvons nous y
reposer, Vincent sort même sa guitare et joue pour accompagner un prétendu
chanteur, qui restera pour nous surtout un type fort sympathique mais ayant un
poil abusé de bière locale et se sentant pousser des cordes vocales. Et la
surprise du jour arrive au moment d’aller se coucher où nous nous rendons
compte qu’il s’agit en fait d’un hôtel de passe..Et cette fois, la musique
s’avère nettement moins mélodieuse, surtout en ce qui concerne notre voisin de
chambre.
Nampula, si ce
n’est pas le paradis, c’est par contre notre point de départ en train pour
rejoindre Mutuali. Et oui, nous tentons l’expérience du train local pour nous
retrouver 10 heures plus tard dans les montagnes, plein Ouest, pas bien loin de
la frontière avec le Malawi. A 5h du matin donc, nous hissons nos vélos dans le wagon de marchandises entre
des oranges et des poussins et filons en bout de train pour trouver 3 places en
2ème classe. En grimpant dans le wagon, nous entendons des
« par ici la première classe ! ». « Et non ! Nos
oreilles ressemblent peut-être à des dollars mais on vous entend les gars. Et que
ça vous plaise ou non, il
faudra nous compter parmi vous pendant
ces 10 heures ! ». Puis la cloche retentit, le train démarre
et atteint très vite sa vitesse de croisière, à savoir un bon 30km/h.
La verdure dont on vous parlait |
Le
confort à bord est plutôt correct contrairement à ce à quoi nous nous
attendions. Tout le monde est calme et attend patiemment son arrêt. En revanche
lorsqu’arrivent ces fameux arrêts, là c’est l’effervescence. Le train est
assailli par une nuée de jeunes vendeurs qui, par là fenêtre tentent de nous
refourguer tout et n’importe quoi ; des beignets, du pain, des boissons,
des légumes, des poules, des patates…. Nous nous demandons encore qui pourrait
bien acheter ça. Quoique, avec un peu d’imagination….. :
-Allez les gars on
s’active !! chacun à son poste, Vincent, prépare le réchaud, Alex, plume
le poulet, j’achète des légumes. On va se concocter un Tajine des familles les
enfants, à en faire saliver tout le wagon !
(Nous espérons que
la maman d’Alex relèvera la référence au tajine, véritable experte dans le
domaine !)
Plus modestement,
nous nous contentons de quelques morceaux de pain et de beignets à la pomme de
terre. Les paysages défilent et commencent à changer. De hautes montagnes
sortent peu à peu de la brousse dont la palette de couleurs change elle aussi
nettement. La savane sèche et plutôt à
dominante jaune laisse place à des dégradés de vert à perte de vue. Et toujours
ces immenses rochers émergents du sol, gris et dépourvus de végétation. Nous
sommes en altitude, à plus de 500 mètres, ce qui explique des températures plus
douces, une eau plus abondante et toute cette verdure qui nous entoure.
Les coups de Soleil d'Alex, la quotidienne.. |
Nous arrivons en
fin de journée à Mutuali. Dans ce petit village étape nous passons la nuit dans une charmante
pension tenue par une mère et ses trois enfants qui semblent, seuls, tenir les
rennes, la mère étant surtout occupée à bavasser avec les clients et ses copains
de passage. Le lendemain, une superbe étape de piste d’une soixantaine de
kilomètres nous dévoile les beautés de la région et nous amène à Lioma où nous
rencontrons le pasteur du village qui nous permet gentiment d’investir les
bancs de l’Eglise pour la nuit.
Ahhhh, la ça va mieux! |
Vincent: "A part a la messe, j'avais jamais dormi dans une eglise" (Sale gosse va!) |
Sur le chemin nous serpentons entre ces
montagnes si vertes, pédalant parfois à l’ombre de quelques eucalyptus ou à
travers de minuscules villages où des dizaines de sourires et de pouces en
l’air semblent nous dérouler le tapis rouge. Le seul coin d’ombre dans ce beau
tableau tient à des rencontres animales que nous n’espérions pas : D’abord
un gros scorpion noir sur la route, puis une énorme araignée apparemment tentée
par une nuit douillette avec Vincent.
Malgré les apparences, une station essence! |
En fait c'est juste un crabe un peu bizarre non ? |
Le lendemain nous
prenons à l’aube la direction de Gurué ou nous prévoyons une journée pour y
faire un trek dans les montagnes. La route est de plus en plus belle. Nous
avons le sentiment de changer de pays. Alex, sans doute plus inspiré que nous à
ce moment-là tente une comparaison avec les environs d’Angoulême. Pourquoi pas.
On a tout de même tous pensé au carton rouge à ce moment-là. La ville, qui
conserve quelques traces d’une architecture coloniale est perchée en haut d’une
colline entièrement assiégée par des plantations de thé qui tapissent d’un vert
éclatant toute la région. Plus d’une douzaine de fabriques distribuent ce thé
dans tout le pays.
La Grande Deconnade, Trois guignols autour du Monde |
Ahhh, là d'accord! |
Gurué, c’est aussi l’eau que nous buvons depuis notre entrée
au Mozambique, un peu comme si nous entrions à Evian ou à Volvic. En tout cas,
nous avons grand soif de découvrir toute cette nature qui entoure les lieux. En
ce qui concerne le logement nous trouvons une mission catholique grand luxe qui
nous accepte dans le jardin avec nos tapis de sol. C’est par téléphone que nous
avons affaire au père Marcos qui, dans un français parfait, nous confirme son
autorisation. Ce fameux Padre Marcos, jamais nous ne l’avons vu. Tout le monde
en parle ici mais il restera pour nous une simple voix à l’autre bout du fil.
Nous dormons donc dehors certes mais pouvons profiter du luxe de ce lieu qui a
l’habitude d’accueillir des groupes pour des séminaires ou autres manifestation
de ce type. C’est ainsi, entre deux douches dans une VRAIE douche, dans une
salle de bain éblouissante de propreté, que nous faisons la connaissance d’un
groupe de zimbabwéens en réunion ici pour du business agro avec le Mozambique.
Vincent, trop triste d’avoir quitté son stage chez Danone, leur offre même une
leçon d’utilisation d’Excel. Jusqu’au bout du monde le mec reste dans le
business ! Le soir venu, toute cette belle brochette s’en va diner
ensemble dans la « salle commune » d’un repas copieux et convivial.
Tellement copieux que nous peinons à rester debout pour atteindre nos lits.
Fun les élections municipales au Mozamique |
Dès 6h le lendemain
nous filons prendre un riche petit dej avant de grimper sur nos vélos pour atteindre
la fabrique de thé UP4, la casa de Noivos (une jolie maison coloniale) et les
cascades où nous prévoyons de pique-niquer. Suivant les indications de notre
bouquin, nous grimpons sur 10 kilomètres entre les bambous et les plantations
de thé à flanc de montagne, jusqu’à arriver à cette casa de Noivos, qui est
totalement abandonnée et dévorée par la végétation. Plus loin, cul de sac et
pas non plus de cascades. Un type occupé à cueillir des feuilles de thé nous
indique que ce que nous cherchons est situé sur l’autre versant de la
montagne ! Résultat, il est 11h et nous sommes à notre point de départ, à
savoir dans le centre-ville de Gurué. C’est reparti, et cette fois nous
finissons par atteindre l’énorme fabrique de thé UP4 que nous cherchions. Mais
impossible de la visiter. Quand aux cascades, il faut laisser les vélos au
gardien de la fabrique et continuer à grimper à pied pendant 1h30. Décidément..
Nous partons donc avec nos bouteilles d’eau et notre pique nique, bien décidés
à trouver ces cascades. Nous ne sommes pas déçus, le trek se révèle magnifique,
dans un paysage qui devient très vite une jungle entourant ces plantations de
thé qui n’en finissent plus. Plus nous montons plus la vue sur la vallée
devient imprenable.
Nous n’échangeons pas un mot durant toute la montée,
hypnotisés par ce que nous voyons. Puis les cascades apparaissent enfin,
d’abord en bruit de fond puis sous nos yeux, ajoutant le dernier coup de
pinceau qui manquait à la perfection du tableau.
-Là, les gars, si
c’est pas le paradis, ça y ressemble ! Lâche Côme.
S’ensuit un bain
dans les bassins d’eau froide entre les rochers de la rivière, un bon pique
nique végétarien et un gros roupillon sur la roche, à quelques mètres du vide.
Puis nous attendons les dernières heures du jour pour redescendre et profiter
des jolies lumières de fin de journées africaines. Nous arrivons rincés par
cette longue journée et rejoignons nos amis pour à nouveau diner autour de
cette grande table. Nous finissons par nous écrouler dans les bras de Morphée,
rêvant de nos découvertes du jour.
Bim, carte postale! |
Ils s'appelaient Les copains d'abord, les copains d'abord.. |
Puis il faut
repartir et rejoindre en 5 jours la ville de Quelimane, capitale de la Province
de Zambèze (du fait du passage du célèbre fleuve), sur la côte. La distance
n’est pas des moindres et nous devons aligner chaque jour plus de 80 km. Durant
ces 5 jours nous redescendons peu à peu ce que nous avions grimpé pour
atteindre la région de Gurué. En réalité nous savons que chaque jour nous
perdons quelques mètres d’altitude mais l’impression reste celle d’une route
extrêmement vallonnée qui met nos jambes à rude épreuve. Jamais nous ne roulons
sur du plat, chaque descente est sanctionnée immédiatement d’une longue montée,
c’est très frustrant. Cela finit par se calmer à l’approche de Quelimane. Ces
étapes sont un peu ce que l’on commence à nommer des « étapes de
routine ». Ces journées où finalement le paysage est joli mais identique à
celui de la veille et pas non plus transcendant, ces journées qui commencent
par un réveil difficile à 5h du matin, 50 bornes puis un pique-nique sous un manguier, 35 bornes et un
débarquement dans la Guest House la plus miteuse du bled étape. Ici en
l’occurrence d’abord Errego, Mugeba, Malei,Nicoadala et enfin Quelimane, notre
objectif. Non effectivement nous ne sommes pas tous les jours à la plage ou au
bord d’une cascade dans la jungle.
3 kilos d'ananas, l'affaire d'un gouter pour la Grande Echappee |
Et ces journées il faut les occuper, trouver
des stratégies plus intéressantes que celle de compte les baobabs. Alors nous
nous repassons en boucle le contenu de nos Mp3, nous écoutons les émissions de
Franck Ferrand notre nouveau pote historien d’Europe 1 (autant vous dire que
maintenant au diner ça parle Louis XIV
et préhistoire), ou encore cherchons dans le décor un point de détail qui
pourra occuper notre esprit pour les prochains kilomètres. Heureusement ceux-ci
finissent par arriver. Un gros serpent mort sur la chaussée, un autre, plus
petit qui traverse sous le roues de Vincent, une plantation d’ananas, une usine
de conditionnement du riz, ou encore un ou deux vendeurs complètement
improbables comme ce bonhomme qui tentait l’autre jour de nous vendre un lapin
vivant. Ou encore de drôles de scènes comme celle où Alex, s’improvisant
photographe scolaire, chercha à placer toute une ribambelle de gamins devant
une fausse pub « Coca Cocla » peinte maladroitement sur un mur.
Un
autre midi nous atterrissons à l’heure du déjeuner dans une école primaire,
alors que les élèves sortent avec leur copie d’un examen. Les profs nous
ouvrent spécialement une salle de classe pour la pause. Et le soir de cette
même journée c’est dans un bâtiment gouvernemental réservé à la taxation du
bois qu’un homme d’une quarantaine d’année nous accueille pour diner avec lui
et passer la nuit. Alors n’exagérons rien en parlant de routine, chaque jour à
son étincelle et son anecdote à raconter. Et puis finalement, le recul et un
regard plus objectif sur ces étapes nous montre qu’elles sont aussi le propre
d’un voyage à vélo. Jamais nous ne serions passé dans cette région, jamais nous
n’aurions partagé un bout de la vie de tous ces gens autrement qu’à vélo. En fait c’est peut-être un peu ça quand on
voyage à vélo, on prend de l’information en permanence, on voit, on sent, on
entend en continu. Plein de bonnes et de mauvaises choses, à nous de faire le
tri !
La routine dont on vous parlait :), ça va y'a pire... |
Bref arrêtons la philosophie
à trois meticals car nous arrivons à Quelimane capitale de la province de
Zambezia mais également capitale de la bicyclette. Ici les taxis sont à vélos.
Autant vous dire qu’on va se faire du blé ici ! La vie est plutôt petite et aérée, on y
retrouve à nouveau un niveau de vie plus élevé qu’à la campagne pour le plus
grand malheur de notre portefeuille (mais la joie de nos papilles se régalant
de gâteau au chocolat). Quelimane c’est un point important pour nous car après
avoir traversés les provinces de Cabo Delgado, Nampula et Zambezia nous en
avons terminé avec le Nord du Mozambique. Cap au sud maintenant !
Allez une derniere, on ne s'en lasse pas de cette belle randonnée! |
quel voyage extraordinaire !! vous nous faites rever !
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